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Offre de soins aux personnes atteintes d’Alzheimer : comment innover?


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Depuis 1994, le 21 septembre est officiellement la Journée mondiale de la maladie d’Alzheimer. Cette journée de mobilisation est bien sûr l’occasion de rappeler combien cette maladie est en progression dans beaucoup de pays qui voient leur population vieillir, mais c’est aussi une journée durant laquelle il convient de souligner l’importance du soutien aux malades et à leurs proches ainsi que les propositions de solutions innovantes pour améliorer les soins apportés aux personnes souffrant de démence.

La principale raison d’être d’Hinnovic, c’est de susciter la réflexion sur les innovations en santé, d’inviter les différents publics à penser différemment. C’est dans cette optique que nous voulions souligner autrement cette journée mondiale dédiée à la maladie d’Alzheimer.

Vous avez sûrement des chansons ou des musiques qui ‘’viennent vous chercher’’, qui vous émeuvent, d’autres qui amènent des souvenirs, qu’ils soient bons ou mauvais. Selon le célèbre neurologue Oliver Sacks décédé récemment, «la musique a la capacité d’activer plus de zones dans le cerveau que n’importe quels autres stimuli». C’est donc avec l’idée d’utiliser la musique pour stimuler des personnes âgées atteintes d’Alzheimer que Dan Cohen a créé l’organisation sans but lucratif Music & Memory, Inc. De cette initiative est né Alive Inside : A Story of Music and Memory, un documentaire sorti en 2014 réalisé par Michael Rossato-Bennett.


Après avoir été émue par ce documentaire, l’équipe d’Hinnovic a décidé d’acquérir les droits de diffusion et d’organiser une projection spéciale suivie d’une discussion plus large sur les solutions innovantes pouvant être mises en place afin d’améliorer la qualité de vie des personnes atteintes d’Alzheimer. Pour animer la discussion, nous avons invité deux chercheurs qui connaissent bien les problématiques liées aux soins de santé aux personnes âgées : Antoine Boivin, chercheur régulier de l’IRSPUM, médecin chercheur et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le partenariat avec les patients et le public, ainsi que Réjean Hébert, chercheur associé de l’IRSPUM, médecin gériatre et professeur à l’École de santé publique de l’UdeM.

Cette discussion enrichissante a permis de souligner la présence de plusieurs freins et obstacles aux solutions innovantes dans le système de santé au Québec quand il s’agit d’améliorer la qualité de vie des personnes atteintes d’Alzheimer. Réjean Hébert a ainsi mentionné le fait «qu’il soit très difficile de faire entrer d’autres professionnels comme des psychoéducateurs par exemple pour s’occuper des gens, faire en sorte que les patients aient moins de troubles de comportement.» Selon son expérience de plus de 20 ans, «il y a une résistance absolument féroce à l’introduction d’autres professionnels.»


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Le Dr Antoine Boivin abonde dans le même sens quant à la faible latitude octroyée aux médecins intervenants auprès des patients atteints d’Alzheimer, certaines interventions dans Alive Inside l’ont donc particulièrement interpellé : «Il y a une phrase qui m’a beaucoup parlé dans ce film, c’est quand ce médecin dit qu’il a le pouvoir dans son crayon de prescrire des choses qui coûtent des centaines ou des milliers de dollars comme des traitements, des tests de diagnostics, des admissions hospitalières, mais qu’il n’a pas le pouvoir de demander l’intervention d’une personne pour accompagner les personnes âgées dehors quand il fait beau ou d’inviter quelqu’un pour leur chanter une chanson ou leur tenir la main.»

Pour le Dr Boivin, le fait de fournir des iPod ou autres lecteurs mp3 à beaucoup de patients qui sont victimes d’Alzheimer serait quelque chose de financièrement réalisable, par contre ajoute-t-il «s’assurer que des personnes soient présentes sur place et chantent une chanson à répondre ou apportent leur guitare et s’assoient à côté de quelqu’un pour lui chanter une ballade, ça va être difficile alors que c’est ce qu’il y a de plus simple».

Ce qui me frappe c’est que les solutions les plus simples sont souvent les plus difficiles à mettre en place – Antoine Boivin

Cependant, indépendamment des constats, «Comment peut-on donner un coup de volant pour gagner de la flexibilité? Y at-il des embryons de solutions qui donnent de l’espoir?», demande Patrick Vachon dans l’auditoire.

Pour Réjean Hébert, les solutions passent souvent par le fait de travailler localement. Il ajoute ainsi que «Si on veut avoir des résultats globaux il faut travailler localement. Ma principale préoccupation c’est de voir tout le local disparaître et l’uniformité régionale, voire nationale, prendre le pas sur ce qui est local». D’ailleurs, tout au long de son expérience auprès des personnes âgées, il a pu constater l’impact bénéfique des initiatives locales. «J’ai travaillé pendant 20 ans dans une institution dans laquelle le loisir et le bénévolat étaient très développés et au sein de laquelle des types d’interventions comme la musique, l’activité physique ou l’apport des animaux étaient très valorisées. Je peux vous dire que localement ça faisait une différence», souligne Réjean Hébert.

Il émet cependant des réserves vis-à-vis du terme ‘’musicothérapie’’, car «thérapie indique que ça pourrait être prescrit par un docteur et que ça pourrait être géré par des infirmières. Malheureusement on est obligé d’utiliser ce véhicule-là, de ‘’médicaliser’’ la musique qui pour moi n’en a pas besoin». Pascale Lehoux, chercheure et professeure à l’ÉSPUM note elle aussi cette contradiction : «Le terme musicothérapie revient un peu à effacer l’origine de l’innovation derrière ça, car l’idée vient à priori de quelqu’un qui est extérieur à la façon de faire et c’est bien décrit dans le film.»

Au-delà de l’apport de la musique par la technologie, c’est le rapport humain et ce que ce rapport apporte au malade qui est important. Oui, la musique permet de réveiller des souvenirs, tout comme peuvent le faire des photos ou des objets qui ont un fort pouvoir émotionnel, mais c’est la personne qui se sert de la technologie qui amène un plus. «On comprend que ce n’est pas juste le iPod, c’est le iPod avec un humain qui est capable de monter une liste de lecture et intervenir», note Pascale Lehoux. Peter Senn, ‘’musicothérapeute’’ en CHSLD depuis plusieurs années peut en témoigner. «Oui l’iPod est un outil important, mais j’ai remarqué que dans les CHSLD, les patients ont toutes sortes de médias dans leur chambre et ce n’est pourtant pas juste ça qui les éveille. Quand je suis en contact avec eux, c’est l’empathie qui leur apporte du bonheur, c’est ça qui fait la différence

«Qu’est-ce qu’on souhaite maintenant? Est-ce qu’on peut penser autrement, soigner autrement, financer autrement?», demande Pascale Lehoux.

Premièrement, on peut certainement financer autrement, le Québec étant assez en retard dans la part que représente l’offre de soins de santé à domicile :

J’aimerais rappeler que 87 % du financement en soins de longue durée vont aux institutions et seulement 13 % au domicile. – Réjean Hébert


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Sur le financement des soins de santé des personnes âgées, visionnez ci-contre notre entrevue vidéo de Réjean Hébert.

Réjean Hébert termine en soulignant les pratiques incohérentes qui ont cours quand il s’agit d’apporter des soins aux patients atteints d’Alzheimer :

«Je vois encore des malades d’Alzheimer en stade terminal qui prennent encore des médicaments pour baisser le taux de cholestérol ou pour traiter l’hypertension. Il faut arrêter la solution facile qui consiste à prescrire des médicaments quand les personnes âgées ont des troubles du comportement. Pour citer une phrase du documentaire ‘’ça éteint la flamme, mais il n’y a pas de pilule pour la ranimer’’ et ça me parle beaucoup, car j’en ai vu des personnes à qui on a éteint la flamme parce qu’il y avait des comportements un peu exubérants. Il faut retrouver dans ces milieux-là un peu d’humanité alors qu’on est en train de la perdre. Par exemple, serrer un patient dans ses bras, ce serait mal vu actuellement, ça pourrait même faire l’objet d’une plainte. On ne peut plus toucher les patients et ça c’est un drame pour moi car ça peut être interprété comme une agression sexuelle, c’est une proximité qui n’est pas permise actuellement. Tout ça me questionne comme soignant parce que toucher aux gens c’est fondamental, les personnes victimes d’Alzheimer ne perdent pas le souvenir du toucher et c’est aussi un moyen de communication extrêmement puissant.»

Auteur :Jérémy Bouchez Hinnovic.org

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