top of page

SENSORICA ou quand l’accès libre se met au service du bien commun

Dernière mise à jour : 24 mars 2020


Sensorica_Lab

Un modèle d’entreprise en avance sur son temps

Dans l’univers des modèles d’entreprise, Sensorica pourrait être perçue comme un OVNI, d’ailleurs Sensorica ne colle pas à la définition classique d’une entreprise. Pourtant, cette boîte créée en 2011 et qui compte 120 membres répartis partout dans le monde propose un modèle d’affaire plus équitable, en phase avec l’économie collaborative et dont les produits répondent à des besoins bien précis tout en étant en accès libre. De temps en temps, des hackathons sont même organisés comme celui qui s’est tenu les 29 et 30 août dernier à Montréal. L’équipe d’Hinnovic a eu la chance et le plaisir de visiter les locaux de Sensorica et de discuter avec plusieurs de ses membres, dont Tiberius Brastaviceanu, cofondateur spécialisé dans les capteurs et la microfluidique.


DSCN0414

Un banc de test avec de l’appareillage de précision incluant des microcontrôleurs de précision.



DSCN0411

Imprimante 3D utilisée chez Sensorica pour concevoir des prototypes de produits.


Quand on visite les locaux de Sensorica, on ressent premièrement une légère impression de « capharnaüm créatif » ! Un espace ouvert avec plusieurs ateliers, là une imprimante 3D, ici un appareillage de micromanipulation, plus loin une table avec des plantes qui poussent en permaculture. Mais ne vous y trompez pas, il y a de l’innovation en ce lieu et cette innovation se veut responsable. Car les produits qui sortent des ateliers de Sensorica se doivent d’être en accès libre et en « innovation ouverte », c’est-à-dire qu’il existe un « partage libre des savoirs et des savoir-faire ». Chez Sensorica, vous ne trouverez pas un produit breveté avec des capteurs à 10,000 $ et qui profite seulement à des pays, des communautés ou des entreprises très fortunés. Au contraire, vous pourrez vous procurer un micromanipulateur fabriqué avec certaines pièces imprimées en 3D ou d’autres petites pièces électroniques récupérées dans les cartes de Noël musicales (!). Vous voulez faire de la biologie dans votre sous-sol ? Il vous faudra juste acheter un microscope d’une petite centaine de dollars et le coupler avec le micromanipulateur de Sensorica et le monde microscopique sera à vous. « On démocratise l’accès au monde microscopique » lance Tiberius Brastaviceanu. Mais ce genre d’appareillage pourrait aussi servir à une université située dans un pays pauvre, puisque le coût est pratiquement 100 fois inférieur à celui d’un modèle breveté.


De l’environnement à la santé

On ne s’en rend pas forcément compte, mais les capteurs ou microcapteurs sont partout dans nos vies. Et qui dit microcapteurs dit microfluidique. Ici, on entre dans des technologies capables de faire transiter et d’analyser des volumes dans des canaux artificiels de l’ordre du micromètre, soit 1 milliardième de mètre. La microfluidique est une jeune discipline, mais déjà en 2001, le MIT l’avait classé dans son TOP 10 des disciplines technologiques extrêmement prometteuses. Chez Sensorica, on bûche sur la conception de systèmes comme des capteurs pour tester la qualité de l’eau ou encore des capteurs spécialisés dans l’hygrométrie des sols basés sur les fibres optiques et un microcontrôleur en accès libre Arduino.


À la clé, des systèmes d’arrosage automatique afin de contrôler très finement la quantité d’eau nécessaire à une plante et donc des économies d’eau. Très pratique dans les pays qui subissent la sécheresse ou même dans ceux qui sont amenés à en subir de plus en plus, comme en Californie. D’ailleurs, Bruce Merlo, spécialiste en agriculture de précision nous mentionne que selon la USDA, près de 80 % des agriculteurs aux États-Unis analysent l’humidité de leurs sols en marchant dessus ou en regardant juste l’aspect des plantes.

Sencorica s’intéresse aussi à la santé, un domaine dans lequel les innovations technologiques de pointe sont souvent le fait de grandes entreprises ou d’universités fortunées. Il y a beaucoup à faire pour développer des innovations responsables en santé. Prenez le coût de beaucoup d’appareillages spécialisés, il est souvent élevé ce qui crée inévitablement des inégalités de santé. De plus, les inventions sont dans la plupart des cas brevetées, ce qui rend très difficile la conception d’un modèle équivalent moins cher et qui pourrait bénéficier aux populations les plus démunies, que ce soit ici ou dans les pays les plus pauvres. La solution ? Soutenir des initiatives visant à créer des produits en accès libre et conçus autour d’une communauté de valeurs. C’est dans cette optique que des étudiants en design de jeux de l’Université de Montréal ont eu l’idée de mettre au point un jeu sérieux pour aider les enfants atteints de mucoviscidose aussi appelée fibrose kystique. Lire à ce sujet le billet de Pascale Lehoux sur Hinnovic.

Après avoir établi un cahier des charges, l’équipe de fibrosekystique.net a fait appel à l’expertise de Sensorica pour réduire la taille d’un appareil muni d’un embout dans lequel les enfants doivent expirer. En soufflant dans l’embout, les enfants contrôlent le vaisseau d’un jeu vidéo qui voyage à l’intérieur de poumons. L’embout dans lequel l’air est insufflé est relié à un boîtier qui comporte un microcontrôleur Arduino. Le tout est connecté à un ordinateur par l’intermédiaire d’un câble USB. Un prototype a été conçu, et lors de notre visite de Sensorica, l’équipe de collaboration nous a assuré vouloir réduire sensiblement la taille de l’appareil.

Le modèle d’affaire de Sensorica peut-être déroutant à première vue, mais il permet de mettre en place des projets et de concevoir des produits qui bénéficient réellement au plus grand nombre tout en se basant sur des pratiques éthiques et responsables. De plus, les concepteurs et les intervenants dans les projets peuvent s’impliquer en fonction de leur disponibilité tout en partageant leur expertise pour une cause commune. Exactement ce dont on a besoin pour mettre au point des innovations en santé plus responsables.

Voici une présentation vidéo du prototype de l’appareil issu de la collaboration avec Sensorica :


Mise à jour (17 novembre 2015) :

Pour compléter ce billet, voici la définition de ce qu’est Sensorica selon Daniel Brastaviceanu :

« Sensorica n’est pas une entreprise, c’est tout simplement le nom de l’organisation d’individus ou d’entreprises. Nous avons une organisation à but non lucratif (OBNL) appelé http://aces-cake.org/ afin de gérer le FabLab ici à Montréal. Sensorica ne possède pas de structure légale, c’est juste un nom qui n’appartient à personne, mais auquel on peut s’associer si on est affilié actif. Donc Sensorica est un regroupement, un environnement entrepreneurial constitué de travailleurs autonomes ou d’entreprises qui veulent partager entre eux des idées, des projets, des expertises, des équipements, des espaces, etc., afin de produire ensemble des produits commercialisables ou Open Source. Chaque affilié investit son temps, talent et argent là où il veut, où il/elle trouve son fun, son intérêt, ou trouve le  »fruit le plus bas ». Nous ne sommes pas payés à l’heure, nous gagnons de l’équité dans les produits que nous créons, en enregistrant nos contributions dans un système de comptabilité spécialement conçu pour les organisations libres, comme les communautés, ce qui peut d’ailleurs être appliqué aux entreprises. »

Auteur :Jérémy Bouchez Hinnovic.org

bottom of page