À compter du 18 janvier, il faudra être majeur et vacciné pour mettre les pieds dans une succursale de la Société des Alcools du Québec (SAQ) ou de la Société québécoise du cannabis (SQDC). Les non vaccinés seront ainsi un peu plus entravés dans leur vie quotidienne. Le jour même de l’annonce, les prises de rendez-vous pour la première dose de vaccin contre la COVID-19 sont passées de 1500 par jour à plus de 6000. Cette nouvelle mesure, qui se veut moins une contrainte qu’une incitation supplémentaire à se faire vacciner, fait émerger une question évidente : L’implantation du passeport vaccinal incite-t-elle les gens à se faire vacciner? Que sait-on de l’effet des certificats de vaccination COVID-19 mis en place dans divers pays sur le taux de vaccination?
C’est une question qui demeure presque entière. Presque, car deux chercheurs de l’Université Oxford y répondent en partie dans une étude publiée dans la prestigieuse revue médicale The Lancet.
La recherche de Melinda C Mills et Tobias Rüttenauer constitue la première analyse empirique rigoureuse qui examine la relation entre l’introduction des certificats de vaccination COVID-19 et l'adoption des vaccins, d'avril à septembre 2021. Les chercheurs ne donnent pas de réponse tranchée sur le sujet : les résultats varient selon les pays et les groupes d’âge.
En revanche, leur étude fournit des preuves qui indiquent que la certification obligatoire limitant l'accès à des lieux choisis peut influencer l'adoption du vaccin par certains groupes.
La certification COVID-19
Les chercheurs ont sélectionné six pays (Danemark, France, Allemagne, Israël, Italie et Suisse) qui ont introduit une « certification COVID-19 » et pour lesquels ils disposaient de suffisamment de données pour en examiner ses effets (20 jours avant, et 40 jours après). Selon le pays, cette « certification COVID-19 » pouvait être une preuve de vaccination, un test négatif récent (généralement au cours des dernières 48 heures) ou un certificat de guérison attestant d'une infection naturelle récente.
Ces six pays ont été comparés avec 19 pays où aucune certification COVID-19 n’avait été introduite pour la même période (pays de comparaison*).
Les résultats par pays
Un résultat intéressant : les pays dont le taux de vaccination avant l'implantation du certificat était inférieur à la moyenne ont connu une augmentation prononcée des vaccinations quotidiennes.
C’est le cas en France, où le taux de vaccination par habitant était inférieur à celui d'autres pays similaires, et ce jusqu'à 20 jours avant l'implantation du pass sanitaire. Lorsque l’implantation des certificats obligatoires a été annoncée en France le 23 juillet 2021, les vaccinations quotidiennes ont commencé à augmenter. Dans les 20 jours qui ont précédé l’entrée en vigueur du pass sanitaire, le taux de vaccination a dépassé celui des pays de comparaison de plus de 72 000 doses de vaccins par million d'habitants. C’est ce que les chercheurs nomment « l’effet d’anticipation ». Des résultats similaires ont été obtenus en Israël et en Italie.
Cependant, en Allemagne, où le taux de vaccination était déjà égal ou supérieur à la moyenne, l’annonce de la certification obligatoire n’a pas eu d’effet clair sur le taux de vaccination. Idem au Danemark où, il faut le souligner, la certification a été introduite au moment où l'offre de vaccins était limitée. Le but de la certification dans ce pays — où les taux de vaccination étaient plus élevés que dans les autres pays — était surtout d'encourager un dépistage régulier.
Une mesure qui influence davantage les jeunes
Comme au Québec, les pays étudiés ont rendu les vaccins disponibles par groupes d’âge. En France et en Italie, l’effet de la certification sur la vaccination a été important pour les 18-24 ans et les 25-49 ans. Les chercheurs ont observé que la restriction de certains lieux comme les boîtes de nuit et les événements réunissant plus de 1000 personnes était associée à une augmentation de la vaccination chez les personnes de moins de 20 ans.
En plus de la France, les chercheurs ont compilé des données plus détaillées par groupe d’âge pour Israël, l'Italie et la Suisse. Leur analyse suggère que les personnes âgées de 18 à 29 ans ont connu une augmentation de la vaccination quotidienne.
Que retenir?
Étant donné que l'hésitation à l'égard du vaccin est plus élevée dans certains groupes, comme les jeunes de moins de 30 ans, les certificats pourraient être un levier politique supplémentaire pour augmenter l'adoption du vaccin et l'immunité au sein des populations.
Et au Québec? En 2021, selon des données obtenues par Le Devoir, l’annonce de la mise en place d’un passeport vaccinal ainsi que la sortie de l’application officielle du gouvernement du Québec VaxiCode sur le système d’exploitation iOS ont coïncidé avec une forte augmentation de prises de rendez-vous pour le vaccin.
L’introduction de certificats de vaccination soulève bien sûr des questions éthiques. Risquent-ils d'exacerber les inégalités au sein de certains groupes ethniques ou socio-économiques ? Les certificats pourraient-ils approfondir la fracture numérique si les laissez-passer sont en grande partie électroniques? Peuvent-ils soulever des problèmes de confidentialité?
La certification COVID-19 est un outil parmi d’autres pour contrer la pandémie qui dérègle notre quotidien depuis plus de deux ans. Bien malin celui ou celle qui pourrait dire quelle influence son adoption a réellement eue… et si le volume des ventes de la SAQ sera affecté au cours des prochaines semaines.
* Les pays suivants, qui n'ont pas introduit de certification au cours de la période de l’étude, ont été inclus dans l'ensemble des pays de comparaison : Autriche, Belgique, Canada, Croatie, République tchèque, Finlande, Royaume-Uni, Irlande, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Slovaquie, Slovénie, Espagne, Suède, Turquie et États-Unis.
Catherine Hébert
Rédactrice scientifique
catherine.hebert.6@umontreal.ca
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