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Cardio F : parce que le cœur des femmes a ses raisons

Chaque année depuis 1999, la Journée mondiale du cœur est célébrée le 29 septembre dans le monde entier pour sensibiliser aux maladies cardiovasculaires.


C’est bien vrai : le cœur de la femme n’est pas le même que celui de l’homme. Il est question d’anatomie ici, et non d’un cliché inspiré d’un film à l’eau de rose. Si le cœur de la femme est différent, le diagnostic des maladies cardiovasculaires et leur traitement devraient l’être aussi. C’est la mission que s’est donnée Cardio F, une clinique innovatrice du CHUM spécialisée en santé cardiovasculaire pour les femmes, qui a ouvert ses portes en janvier 2021.

Photo : Eduardo Goody / Unsplash

Première donnée méconnue : les maladies cardiaques sont la première cause de mortalité des femmes en Amérique du Nord depuis les 30 dernières années. Une femme sur quatre en décède, ce qui est plus élevé que le taux de mortalité du cancer du sein. Autre donnée souvent ignorée : une femme a deux fois plus de chance qu’un homme de mourir d’un infarctus.


Pourquoi les femmes sont-elles plus à risque ?

La physiologie cardiovasculaire de la femme est différente de celle de l’homme. Le cœur de la femme, par exemple, est plus petit et bat plus vite au repos. Mais ce n’est pas tout. À divers moments clés de sa vie, la femme est soumise à des variations hormonales qui influencent le risque de développer une maladie cardiovasculaire : règles, grossesse (pouvant causer du diabète ou de l’hypertension), ménopause, et prise de contraceptifs hormonaux.


Le stress est aussi en cause dans les maladies cardiovasculaires : la réponse physiologique à un stress aigu peut entraîner des répercussions négatives sur le cœur. Les facteurs de stress sociaux et environnementaux dans la vie d’une femme contemporaine sont bien connus. La conciliation travail-famille-vie sociale — sans parler de la désormais bien connue charge mentale — exerce une pression au quotidien.

Trajectoire de vie d'une femme et changements hormonaux.
Infographie inspirée de : Congenital Heart Disease and Women’s Health Across the Lifespan: Focus on Reproductive Issues, Journal canadien de cardiologie, 2019.

La recherche au-delà du bikini !

Une question s’impose : en faisons-nous assez pour prévenir et traiter les maladies cardiovasculaires chez les femmes ? Pas jusqu’à maintenant, répond Jessica Forcillo, médecin à la clinique Cardio F. Pour l’expliquer, elle cite une pionnière des traitements de cardiologie chez la femme, la docteure Nanette Wenger.

[…] la communauté médicale a limité la santé de la femme à l’approche “du bikini”, concentrant son attention sur les organes reproducteurs et les seins, négligeant le reste des maladies présentes chez la femme […] .

Depuis des décennies, les études sur les maladies cardiovasculaires incluent un nombre insuffisant de femmes. Elles représentent seulement 20 à 30 % des participants des essais cliniques. Même les essais sur les animaux n’incluent en général que des sujets mâles ! Il est alors présomptueux de généraliser (à des femmes) les résultats d’études faites auprès d’une majorité d’hommes. Les facteurs de risque, le diagnostic et les traitements en cardiologie pourraient s’avérer inadaptés à la population féminine.


Marie-Ève Grenier, pharmacienne spécialisée en cardiologie renforce cette idée.

Lorsque nous évaluons un essai clinique sur des médicaments, nous portons attention aux sous-groupes inclus et leurs résultats cliniques. Cela nous permet de déterminer la population pour qui les résultats s’appliquent… 

Diagnostics en souffrance

En plus de la recherche, le diagnostic de la maladie cardiovasculaire chez la femme est trop souvent basé sur des symptômes typiques chez l’homme. Les symptômes de la crise cardiaque passent inaperçus chez 53 % des femmes. Cela entraîne un sous-diagnostic, ou un diagnostic tardif pour de nombreuses femmes.


Par exemple, une douleur dans la poitrine qui irradie dans le bras ou le cou est un signal d’alarme connu de tous. Chez la femme, pourtant, d’autres signes peuvent se manifester. Engourdissement du visage, du cou et du thorax, et brûlement ou chaleur au niveau de la poitrine sont des symptômes typiquement féminins, mais méconnus. Sachant que les femmes qui présentent des symptômes atypiques d’angine courent deux fois plus de risques que les hommes de souffrir d’une crise cardiaque, le sous-diagnostic et le sous-traitement des femmes peuvent avoir des conséquences irréversibles.


De plus, les femmes qui n’ont pas reçu de diagnostic, mais qui ont des symptômes persistants d’angine, subissent plus d’examens médicaux et sont hospitalisées de façon répétée. Ultimement, elles présentent plus de complications. On peut se demander si les biais cognitifs, inconscients, mais inévitables, influencent la façon dont les professionnels de santé abordent les femmes qui souffrent de problèmes cardiaques.


Des soins inadéquats

Si la mortalité cardiovasculaire est si élevée chez les femmes, c’est aussi parce qu’elles ne reçoivent pas toujours les soins recommandés. Lorsqu’une maladie cardiovasculaire est dépistée, la femme reçoit des traitements moins agressifs. On a noté, par exemple, qu’on prescrivait moins de médicaments suivant un accident cardiaque chez les femmes que chez les hommes. Fait intéressant, peu de femmes perçoivent l’urgence de prévenir ou de traiter la maladie cardiovasculaire. Elles réduisent souvent la prise en charge de leur maladie à la simple nécessité de perdre du poids.


Vers une prise en charge améliorée

Il reste encore bien des choses à découvrir sur le cœur des femmes. En mettant en place un parcours de dépistage et de suivi mieux défini, la clinique Cardio F promet de contribuer à l’avancement des connaissances. Fera-t-elle mentir Rose, personnage du film Titanic qui affirme que « le cœur d’une femme est un océan de secrets » ?

La clinique Cardio F est ouverte au CHUM depuis le 28 janvier 2021, à raison d’un jour par semaine, et accueille environ une centaine de patientes par année. Elle a été créée par quatre médecins modèles dans leur pratique : la cardiologue Dre Christine Pacheco, la chirurgienne cardiaque Dre Jessica Forcillo, la Dre Lyne Bérubé, directrice médicale du laboratoire d’échographie cardiaque, ainsi que la Dre Caroline Ouellet, anesthésiste et intensiviste. Les travaux réalisés au sein de cette clinique permettront notamment d’approfondir les connaissances sur les différentes pathologies cardiaques spécifiques aux femmes, tout en tenant compte des changements physiologiques et hormonaux propres à celles-ci.

Remerciements à la Dre Jessica Forcillo et à la clinique Cardio F.

 

Anita Ang, B. Pharm, M. Sc



anita.ang@umontreal.ca









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