Margie Mendell, économiste et professeure à l’Université Concordia de Montréal, elle participe activement à un dialogue international sur les initiatives économiques innovatrices visant à réduire les inégalités et à développer de nouvelles formes collectives de création de richesses.
Jean-Martin Aussant, économiste et directeur général du Chantier de l’économie sociale depuis août 2015. Il a étudié l’actuariat, la finance et l’économie avant d’entamer une carrière dans le milieu financier international.
Notre équipe a choisi de diffuser ce film non seulement parce que nous y avons retrouvé l’idée d’une transformation de la manière de penser l’économie, mais aussi la vision d’une société plus collaborative, reposant sur une économie elle aussi collaborative (nous verrons plus loin que le terme « collaborative » est à appliquer avec discernement). En somme, une économie pérenne et capable de créer des innovations qui profitent au plus grand nombre tout en respectant l’environnement et en favorisant une meilleure santé des populations.
Cette volonté de « transformer la manière de penser » est d’ailleurs au cœur de la mission d’Hinnovic. Il faut également rappeler que, selon un récent rapport d’Oxfam, les deux Canadiens les plus riches détiennent autant d’avoirs que 11 millions de Canadiens. À l’échelle de la planète, « seuls huit hommes détiennent autant de richesses que la moitié la plus pauvre de la population mondiale ». Pour Jean-Martin Aussant, c’est là un signe fort que le modèle économique dominant ne fonctionne pas. Une position appuyée par la professeure Mendell qui martèle que « la mesure de la richesse basée sur le produit intérieur brut (PIB) est erronée ». Elle note d’ailleurs que, si on isole le Québec du reste du Canada, la province se classe 2e à l’échelle mondiale en tenant compte de la distribution de la richesse collective et de l’indice du bonheur de l’OCDE (IRIS, 2016). Loin de questionner la pertinence des entreprises privées, la professeure de l’Université Concordia considère que la triade constituée des secteurs privé, public et d’économie sociale a toute sa place dans un modèle économique plus équitable.
A New Economy met en scène des intervenants qui ont lancé des projets reposant sur l’économie sociale au Canada, comme Sole Food Street Farms à Vancouver, Sensorica à Montréal, ou encore London Brew Co-Op en Ontario. Le documentaire s’appuie aussi sur des acteurs de ce mouvement : Gar Alperovitz, économiste, historien et militant; John B. Fullerton, créateur de Capital Institute; Richard Senett, professeur de sociologie à la London School of Economics et à la New York University, qui est aussi écrivain.
Vous pouvez visionner la bande-annonce de A New Economy
L’économie sociale et solidaire, qu’est-ce que c’est ?
Selon Jean-Martin Aussant, « il est important de reconnaître que le Québec est très bien placé en ce qui concerne les initiatives et la vivacité de l’économie sociale », mais comment peut-on définir l’économie sociale et solidaire ?
Le Chantier de l’économie sociale la définit comme « l’ensemble des activités économiques à finalité sociale réalisées dans le cadre des entreprises dont les activités consistent notamment en la vente ou l’échange de biens ou de services et qui sont exploitées conformément à certains principes, comme le fait de répondre aux besoins des membres ou de la collectivité ou de prévoir une gouvernance démocratique par les membres » (la liste des principes et la définition complète sont disponibles ici). Il convient de préciser que la définition de l’économie sociale au Québec est spécifique à la province, on ne retrouvera donc pas exactement la même définition dans d’autres pays ou régions.
Toujours selon le Chantier de l’économie sociale, « Le Québec compte environ 7 000 entreprises d’économie sociale (3 300 Coopératives et 3 700 OBNL ayant des activités marchandes). » Elles font partie des « entreprises collectives » qui sont des coopératives ou des OBNL qui peuvent fournir des services autant que des biens, alors que cette double mission est moins vraie aux États-Unis (Mendell, 2010). Le documentaire rend d’ailleurs bien compte de cette diversité d’entrepreneurs sociaux, non seulement à l’échelle du Canada, mais aussi à l’échelle de la planète.
Il nous apparaît également important de préciser qu’entrepreneuriat social n’est pas forcément synonyme d’économie sociale. En effet, un entrepreneur social peut avoir créé une entreprise à vocation sociale, même si elle n’est pas collective, c’est-à-dire si elle n’adopte pas « un fonctionnement démocratique, dans lequel plusieurs personnes participent aux prises de décisions », elle ne peut se déclarer de l’économie sociale. Il en va de même pour le caractère « inaliénable » des entreprises de l’économie sociale : elles ne peuvent « ni être délocalisées, ni être vendues, contrairement aux entreprises privées » (Chantier de l’économie sociale, 2009).
Dans le documentaire, John Fullerton parle d’économie régénératrice (regenerative economy), un courant de pensée qui, partant du principe que le système capitaliste est voué à l’effondrement, propose une vision holistique de l’économie. Le rapport du Capital Institute créé par Fullerton « met l’accent sur le fait que le système économique mondial est étroitement lié à l’environnement et dépend de lui. » (traduction libre)
L’économie sociale est-elle bonne pour la santé ?
Si l’on tient compte des arguments amenés dans ce documentaire, il est tout à fait possible d’imaginer des technologies médicales plus accessibles financièrement, plus évolutives, dont les revenus sont distribués de façon beaucoup plus équitable entre les différents acteurs impliqués dans le développement.
De façon plus générale, est-ce que les retombées positives pour la santé des populations ne seraient-elles pas évidentes en soi, compte tenu de la vocation sociale de l’économie portant le même nom ? En effet, on peut imaginer que des entreprises qui ont comme fondements et valeurs l’amélioration du bien-être humain ne peuvent qu’être bénéfiques pour la santé publique des populations et donc de l’économie. Une économie plus équitable, plus environnementale et pérenne. Par exemple, l’initiative Sole Food peut avoir des effets bénéfiques en termes de santé publique, puisqu’elle permet à des personnes très défavorisées du quartier Low Track à Vancouver de retrouver un emploi et de se réinsérer dans la société.
Ce que l’économie collaborative n’est pas…
La signification de ce terme à connotation positive au premier abord a été galvaudée avec l’arrivée d’entreprises de l’ère numérique se réclamant d’une telle économie. Ainsi, le modèle d’entreprises numériques de type Uber ou Airbnb est de plus en plus dénoncé, car comme le rappelle Hugues Sibille, président du Labo de l’économie sociale et solidaire en France, « le terme économie collaborative n’est pas synonyme d’économie coopérative ou économie sociale ». En effet, leur but est de générer du profit et leur gouvernance n’est pas collaborative. Sur le site du Chantier de l’économie sociale, on peut également lire une très bonne mise au point sur l’économie du partage et sur les dérives de certaines entreprises s’en réclamant à tort.
Si vous désirez en apprendre plus Voici quelques ressources pertinentes sur le secteur de l’économie sociale et solidaire au Québec (coopératives, OBNL, organismes en finance sociale). Cette liste est bien sûr non exhaustive :
Esplanade, premier accélérateur et espace collaboratif dédié à l’entrepreneuriat et à l’innovation sociale au Québec.
Novae, le média de l’économie positive et engagée.
La Fiducie du chantier de l’économie sociale « a pour principale mission de favoriser l’expansion et le développement des entreprises collectives en améliorant l’accès au financement et en assurant une meilleure capitalisation des entreprises d’économie sociale.
Économie sociale Québec, « un outil collectif au service des acteurs et des partenaires de l’économie sociale dans l’ensemble des régions du Québec ainsi qu’un espace vivant alimenté par un large éventail d’intervenants. »
Impak Finance, une banque qui démarrera ses activités en 2018, mais dont les projets qu’elle financera devront avoir des impacts concrets sur les plans social et environnemental.
Équipe Hinnovic
RÉFÉRENCES
Canadian Task Force on Social Finance. (2010). Mobilizing Private Capital for Public Good. Social Innovation Generation. Récupéré le 2 février dehttps://www.marsdd.com/mars-library/mobilizing-private-capital-for-public-good-canadian-task-force-on-social-finance/
Chantier de l’économie sociale. (2009). Guide de référence sur l’économie sociale. Récupéré le 8 février 2017 dehttp://www.economiesocialejeunesse.ca/fichiers/docs/guide-de-reference-sur-l-economie-sociale.pdf
Gérin-Lajoie, F. (2016, mars). Le Québec, champion de l’économie sociale. Institut de recherche et d’informations socioéconomiques. Récupéré le 2 février 2017 de http://iris-recherche.qc.ca/blogue/le-quebec-champion-mondial-de-l-economie-sociale
Mendell, M. (2010). Reflections on the evolving landscape of social enterprise in North America. Policy and Society, 29(3), 243–256. https://doi.org/10.1016/j.polsoc.2010.07.003
Territoires innovants en économie sociale et solidaire. (2016). L’entrepreneuriat social et l’entreprise sociale. Récupéré le 7 février 2017 dehttp://www.tiess.ca/wp-content/uploads/2016/10/2016_TIESS_Synthese_ Entrepreuneuriat-social_oct-2016.pdf
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