On en vient cependant à oublier que le jeu peut également s’avérer un outil fort utile dans le domaine de la santé pour promouvoir de saines habitudes de vie, prévenir des problèmes de santé, voire même faciliter l’adhésion des patients aux traitements prescrits.
Des données convaincantes
À cet égard, une récente revue de littérature présente un bilan encourageant de l’utilisation de jeux vidéo permettant d’optimiser certains traitements ou d’en minimiser les inconvénients (Kato, 2010). Par exemple,
Une étude a démontré qu’exposés à des jeux vidéo alors qu’ils recevaient leur traitement de chimiothérapie, de jeunes patients de 11 à 20 ans ont vu les nausées qui accompagnent ce traitement diminuer de façon significative en comparaison à un groupe contrôle.
Dans une autre étude, on a formé trois groupes d’enfants de 4 à 12 ans sur le point de subir une anesthésie générale pour une chirurgie élective: 1) enfants accompagnés d’un parent; 2) enfants accompagnés d’un parent et à qui l’on a donné un sédatif préopératoire; 3) enfants accompagnés d’un parent et à qui l’on a permis de jouer à un jeu vidéo sur une console portable. Or les enfants de ce dernier groupe n’ont montré aucune augmentation de leur niveau d’anxiété contrairement au groupe d’enfants seulement accompagnés d’un parent. Leur niveau d’anxiété s’apparentait à celui des enfants ayant reçu un sédatif préopératoire.
Cette revue de littérature rapporte également d’autres effets intéressants de l’utilisation de jeux vidéo dans des domaines aussi variés que la physiothérapie, la gestion de la douleur, du diabète ou de l’asthme.
Comment et pourquoi les jeux vidéo produisent-ils des effets positifs?
Trois mécanismes intrinsèques aux jeux vidéo offrent une explication possible à de tels résultats (Kato, 2010).
Les jeux sont intrinsèquement motivants. Or, la motivation du patient à s’engager ou à poursuivre des traitements difficiles, douloureux, exigeants ou simplement ennuyants et contraignants est souvent un ingrédient essentiel à son rétablissement.
Les jeux sont intrinsèquement agréables, amusants et distrayants. Ils ont la capacité de détourner l’attention des patients de leurs maux et de leurs inquiétudes. Ils deviennent ainsi des outils intéressants à considérer pour gérer les effets secondaires de certains traitements ou simplement gérer le stress et l’anxiété.
La nature répétitive de plusieurs jeux est propice à l’apprentissage de nouvelles habiletés. Cette propriété les rend propice à l’apprentissage de nouveaux comportements ou de nouvelles habitudes de vie parfois nécessaires au rétablissement des patients.
Bien sûr, il n’y a pas que les jeux vidéo. De plus en plus d’intervenants en santé se tournent vers diverses formes de jeux pour soulager, réhabiliter, informer ou sensibiliser des publics-cibles. Davantage encore, certains cherchent à concevoir des jeux visant précisément à répondre à des objectifs de santé.
Un processus long et complexe
En février 2011, le Groupe de recherche Médias et santé (GRMS) présentait justement un séminaire sur la conception de jeux éducatifs en santé. Fort instructif, ce séminaire fait néanmoins ressortir toute la complexité de créer des jeux qui répondent à des objectifs de santé précis. La recherche occupe d’ailleurs une place centrale dans le processus de développement et de création de jeux éducatifs.
D’abord, elle permet de rassembler les informations nécessaires à la définition du contenu, du format et de l’approche du jeu.
Elle documente le profil de la clientèle visée.
Elle accompagne le processus de validation du concept en recueillant des données sur la compréhension du jeu (contenu et format), la perception et l’intérêt qu’il suscite auprès de la clientèle visée.
Elle fait ensuite un suivi sur sa diffusion pour finalement en évaluer les impacts à court et à long termes.
Exemple de conception et développement d’un jeu éducatif
Christine Thoër, chercheure au Groupe de recherche Média et santé, a participé à la création d’un jeu éducatif dont le but était de promouvoir l’activité physique auprès des femmes immigrantes d’un quartier de Montréal. Elle en décrit les étapes (Brisset des Nos, 2011) :
D’abord, l’équipe de conception a dressé un portrait de la situation, à savoir cerner l’engagement actuel des femmes immigrantes dans des activités physiques, identifier les principaux obstacles à cet engagement ainsi que les activités les plus susceptibles de susciter leur intérêt, etc.
Les données recueillies à partir d’entrevues, de discussions de groupes et d’observations ont permis d’établir différentes stratégies d’approche dont la conception d’un jeu à utiliser dans le cadre d’un cours de francisation.
Le format du jeu « Tic Tac Toc » a été retenu pour la simplicité de ses règles. Le jeu consistait à former deux équipes de joueuses. On posait une question sur l’activité physique à une équipe. Si elle obtenait la bonne réponse, elle pouvait placer un X ou un O à l’endroit désiré sur la planche de jeu jusqu’à ce que l’une des deux équipes arrive à former une ligne horizontale, verticale ou diagonale.
L’équipe de concepteurs a donc rédigé et validé auprès de différents intervenants des questions sur la connaissance des ressources du quartier, la signification de l’activité physique et de ses bienfaits, ainsi que des propositions d’activités physiques simples.
Le jeu a ensuite été expérimenté en classe de façon à valider les questions et le format. Cette étape a permis d’ajuster certaines questions et de constater que le jeu atteignait les objectifs visés.
Si les femmes ont effectivement affirmé avoir compris la signification et l’importance de l’activité physique en plus de se sentir mieux outillées, l’histoire ne dit pas si elles se sont amusées!
Afin de réduire la complexité du processus, certaines initiatives ont été mises de l’avant. Par exemple, la Société pour l’apprentissage à vie (SAVIE) a mis en ligne le Carrefour virtuel de jeux éducatifs qui permet non seulement de rechercher facilement des jeux éducatifs existants, mais fournit également des coquilles génériques informatisées de jeux-cadres qui peuvent servir de points de départ au développement plus rapide et facile de nouveaux jeux éducatifs. Un rapport européen sur l’usage des jeux électroniques en classe recommande également de revisiter le potentiel des jeux vidéo déjà existants, mais surtout de poursuivre l’évaluation des pratiques (Wastiau et al, 2009). En effet, si les résultats de recherches sur l’utilisation de jeux éducatifs en santé sont encourageants, seule une meilleure connaissance de leur efficacité et de leur transférabilité permettra de profiter pleinement de ces outils qui se développent ici et là, à partir d’initiatives individuelles ou de l’industrie.
Auteure :Myriam Hivon, Ph.D.
RÉFÉRENCES
Papineau, Élisabeth (2010). Enjeux de santé publique reliés à l’étatisation des jeux d’argent sur Internet. Institut national de santé publique du Québec.
Kato, Pamela M. (2010). Video Games in Health Care: Closing the Gap. Review of General Psychology, 14 (2), 113-121.
Brisset des Nos, Élisabeth (2011). Les jeux éducatifs en santé. Compte-rendu de la rencontre avec les partenaires de santé et des médias, Groupe de recherche Médias et santé. 8 Février, Montréal.
Wastiau, Patricia, Kearney, Caroline, Van den Berghe, Wouter. (2009). Quels usages pour les jeux électroniques en classe? Principaux résultats de l’étude. European Schoolnet, Bruxelles.
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