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De la science-fiction dans les hôpitaux? Réalité virtuelle et gestion de la douleur

Dernière mise à jour : 23 juin 2020

De la science-fiction dans les hôpitaux? Ou comment la réalité virtuelle apporte une aide réelle dans la gestion de la douleur


La Máquina de los Sueños, une nouvelle salle de RV pour les enfants dans l’hôpital universitaire de Madrid.

Accoucher sur une île paradisiaque? Recevoir un vaccin tout en sauvant de petites créatures fantastiques d’un monstre? Récupérer davantage de mobilité après un accident vasculaire-cérébral en nageant avec un dauphin? Favoriser le rétablissement des grands brûlés en leur faisant lancer des balles de neige à un bonhomme d’hiver? Et tout cela sans bouger d’un centre de soin?



C’est ce que propose la réalité virtuelle (RV) qui s’installe dans les systèmes de santé avec l’intention d’y rester.


La réalité virtuelle ouvre une nouvelle avenue pour la gestion de la douleur

La RV permet de vivre une expérience d’immersion dans un environnement 3D, créé de toute pièce à l’ordinateur, avec lequel on peut interagir. Dans le domaine de la santé, on lui trouve de plus en plus d’applications, allant de la formation des étudiants en médecine au traitement des phobies, en passant par la prise en charge de la douleur.

Plusieurs études montrent en effet que la RV a un effet analgésique (Pourmand et al. 2018), ce qui représente un nouveau moyen d’action dans la gestion de la douleur. Sachant que les analgésiques traditionnels ne sont pas toujours efficaces et entrainent des effets secondaires, la RV a pour avantage de créer une atmosphère plus accueillante qui réduit l’anxiété générée par les procédures médicales et la perception de la douleur (Won et al. 2017). Eh oui ! Se faire piquer avec une aiguille procure une expérience différente si cette injection a lieu pendant que l’on sauve de petits personnages d’un monstre !


Cette vidéo illustre l’immersion dans un monde fantastique en RV pour accompagner la vaccination des enfants.


Les enfants bénéficient davantage de cette technologie du fait de leur plus grande capacité d’immersion dans un monde virtuel. Dans une étude sur l’effet de la RV lors du nettoyage des plaies dues à des brûlures chez des enfants, Smichtt et al. (2011) ont démontré une diminution de la douleur allant de 27% à 40 %. Des résultats favorables ont été observés pour la vaccination et les prises de sang chez les enfants (Won et al. 2017). Une étude très robuste de Jones et al. (2016) auprès d’adultes souffrant de douleur chronique indique également des résultats prometteurs : ces derniers affirmaient avoir expérimenté une diminution de la douleur de 60% pendant la session de RV et de 33% après la session.


Cette vidéo de l’Hôpital pour enfants de Los Angeles en Californie résume l’usage d’un jeu de RV pour faciliter les prises de sang auprès d’enfants.


Mais comment c’est possible?

La plupart des études ont examiné l’efficacité de la RV, mais on sait encore peu de choses sur ses mécanismes d’action et sur la façon dont elle peut diminuer la douleur sur le plan physiologique. Selon Gold et al. (2007), l’immersion dans la RV agit directement sur le cerveau en activant des zones impliquées dans la régulation de la nociception, soit le processus de perception de la douleur. Pour l’expliquer, ils s’appuient sur la théorie dite du « portillon » (ou gate control theory), développée à la fin des années 1960 par un chercheur de l’Université McGill, Ronald Melzack. Selon cette théorie, le cerveau, à travers le circuit neuronal en charge de transmettre la douleur, est capable d’induire par soi-même un effet analgésique comme réponse à un stimulus douloureux.


Les travaux de Gold et al. (2007) montrent que l’immersion dans la RV requiert tellement d’attention du cerveau que ce dernier relègue la sensation de douleur au second plan en activant sa propre réponse analgésique décrite dans la théorie du « portillon ». Plus spécifiquement, la RV implique une présence active, une interactivité continue avec un scénario, des interactions avec d’autres (par le biais d’avatars), une personnalisation de l’expérience et des mouvements concrets, des caractéristiques qui contribuent à stimuler le cerveau suffisamment pour le distraire et lui faire « oublier » la douleur (Won et al. 2017).

Au-delà de la distraction, selon Gold et al. (2007), les émotions aussi ont un impact sur la perception de la douleur. Des études indiquent que des émotions négatives comme la peur ou le stress favorisent la perception de la douleur. À l’opposé, les émotions positives entrainent une diminution de la sensation douloureuse. Ceci s’explique également par la théorie du « portillon », mais, dans ce cas, ce sont les émotions négatives qui inhibent la réponse analgésique du cerveau sur le circuit neuronal en charge de la conception. De leur côté, les émotions positives bloquent cette inhibition.


Autrement dit, la RV, en transformant l’expérience de soins en un moment plus agréable ou moins stressant, augmente potentiellement son effet calmant. L’immersion dans la RV met donc en sourdine le processus douloureux et favorise une sensation de bien-être. Pas surprenant de voir des entreprises émergentes se mettre à développer des jeux adaptés aux soins de santé afin de réduire la douleur.


Voici une vidéo de la compagnie Firsthand Technology qui explique l’effet de son jeu de RV, intitulé COOL !, sur les patients souffrant de douleur, de maladies chroniques ou d’anxiété lors des procédures médicales.

Est-ce que la RV est une panacée ?

Au-delà de ses avantages, qui incluent sa capacité à distraire de la douleur, à favoriser le sentiment de contrôle sur sa propre santé, à promouvoir le mouvement autant que l’imagination et à impulser une reconfiguration du cortex cérébral, la RV a aussi des effets secondaires. Ces derniers incluent des nausées, des collisions avec les objets du monde physique, l’isolement social et, chez les plus petits, le risque de créer des faux souvenirs (Won et al. 2007). De plus, il faudra bien que les professionnels de la santé prennent la RV au sérieux, même si c’est un jeu ! Davantage d’études sur ses effets et ses mécanismes d’action sont donc nécessaires et celles-ci devront être assez robustes pour pouvoir démontrer la validité de son utilisation comme outil analgésique.


Petit à petit, comme les gouttes d’eau qui traversent le sol pour arriver à la grotte et former des stalactites, la RV s’insère graduellement dans nos vies et change notre réalité. La RV propose un changement de mentalité face aux soins de santé. Perçus aujourd’hui comme faisant partie d’un rituel pénible mais nécessaire, la RV invite à les transformer en une expérience plus agréable. La question n’est donc pas de savoir si la RV va s’installer dans nos systèmes de santé, mais quand?

Patricia A. Martínez Barrios

 

Place à la relève !

Ce billet a été rédigé dans le cadre du cours PLU 6048 Connaissances et innovations en santé offert par Pascale Lehoux, professeure à l’École de Santé publique de l’Université de Montréal.


En donnant la chance à des étudiants de publier des articles vulgarisés sur des problématiques de santé publique, Hinnovic s’assure de donner la parole à la relève!

 

Références


Gold, J. I., Belmont, K. A., & Thomas, D. A. (2007). The neurobiology of virtual reality pain attenuation. CyberPsychology & Behavior, 10(4), 536-544.


Jones, T., Moore, T., & Choo, J. (2016). The Impact of Virtual Reality on Chronic Pain. PloS one, 11(12), e0167523. doi:10.1371/journal.pone.0167523

Melzack, R., & Wall, P. D. (1965). Pain mechanisms: a new theory. Science, 150(3699), 971-979.


Pourmand, A., Davis, S., Marchak, A., Whiteside, T., & Sikka, N. (2018). Virtual reality as a clinical tool for pain management. Current pain and headache reports, 22(8), 53.


Schmitt, Y. S., Hoffman, H. G., Blough, D. K., Patterson, D. R., Jensen, M. P., Soltani, M., ... & Sharar, S. R. (2011). A randomized, controlled trial of immersive virtual reality analgesia, during physical therapy for pediatric burns. Burns, 37(1), 61-68.


Won, A., Bailey, J., Bailenson, J., Tataru, C., Yoon, I., & Golianu, B. (2017). Immersive virtual reality for pediatric pain. Children, 4(7), 52.

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