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Comment remédier à la pénurie d’eau potable?

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En Afrique subsaharienne, ce sont les femmes et les jeunes filles qui portent le poids de la collecte de l’eau. Source: The Water Project


Se servir un verre d’eau. Faire bouillir de l’eau pour du thé. Prendre une douche. Utiliser une toilette. Se laver les mains. S’attendre à ce que son médecin se lave les mains. Ces actions sont évidentes pour nous à Montréal. Cependant, en 2016, près d’un milliard de personnes dans le monde n’ont pas accès à une source d’approvisionnement en eau potable.


De plus, un individu sur trois n’a pas accès à des installations sanitaires comme des toilettes ou des latrines, et cela vaut également pour un tiers des hôpitaux et des cliniques. Pas étonnant alors que les maladies diarrhéiques comme le choléra, reliées à la qualité de l’eau consommée et à l’hygiène, soient la 7e cause de mortalité à travers le monde et la 3e dans les pays défavorisés, causant plus de 1,5 million de décès en 2012 selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).


L’eau saine est une rareté

La pénurie d’eau peut résulter de la trop grande distance à parcourir pour accéder à cette ressource naturelle, ou encore de son insalubrité. Les moyens pour parvenir à obtenir une source d’eau fiable sont onéreux et demandent beaucoup de temps (creuser des puits allant jusqu’à 60 mètres de profondeur, par exemple). Culturellement, c’est aussi très souvent le travail des femmes et des enfants de procurer l’eau à la famille. Ainsi, c’est plus de 125 millions d’heures par jour qui sont perdues collectivement pour trouver de l’eau, alors que celles-ci pourraient être passées au travail ou à l’école. Les gens doivent marcher pendant des heures chaque jour pour rapporter des contenants très lourds remplis d’eau souvent contaminée, puis la traiter s’ils en ont les moyens. Le cout social de cette activité est exorbitant et prive la population des services de base en éducation. Par extension, le manque d’éducation entraine de graves difficultés à large échelle. On sait pourtant que plus une population est éduquée, plus elle est à même de se prendre en main et de résoudre des problèmes d’ordre collectif, et donc de solidifier les bases d’une société viable. L’accessibilité à une source d’eau, quelle qu’elle soit, est donc le premier problème à surmonter, et vient ensuite l’assainissement de celle-ci. Depuis des millénaires, les sociétés humaines ont élaboré des méthodes visant à rendre potable la molécule bleue.


La filtration de l’eau à travers les siècles


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Historiquement, l’accès à l’eau et son traitement ont toujours été des priorités. Déjà, au XXe siècle av. J.-C., les civilisations de l’Égypte, de l’Inde et de la Grèce traitaient parfois l’eau avant de la boire. Des hiéroglyphes ornant les tombes de certains pharaons expliquent d’ailleurs le processus! Le but principal de ce traitement était d’améliorer le gout de l’eau consommée, et pour ce faire, les gens utilisaient l’ébullition et la chaleur du soleil. Ils connaissaient les principes de base de la filtration, et utilisaient du sable et du gravier pour enlever les particules pouvant troubler l’eau.

Par la suite, l’innovation relative à la filtration de l’eau stagne jusqu’à la fin du Moyen Âge, vers le XIVe siècle. Des expériences plus ou moins concluantes sur la désalinisation de l’eau ouvriront la voie à des découvertes importantes, et c’est en 1676 que l’un des inventeurs du microscope, Antoni van Leeuwenhoek, observe les premiers microorganismes aquatiques, qu’il nomme « animalcules ». Au XVIIIe siècle, les premiers filtres à usage domestique sont mis en circulation, et ils combinent l’utilisation d’éponges, de charbon et de laine, un procédé que l’on utilise toujours de nos jours pour filtrer l’eau des aquariums.

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Usine de traitement de l’eau à Montréal Source: Le Devoir


Le premier centre de traitement de l’eau municipal sera inventé par Robert Thom en Écosse au début du XIXe siècle. Le système fonctionnait selon le principe de la filtration lente sur sable, et l’eau était par la suite distribuée à l’aide d’un charriot tiré par un cheval. Une épidémie de choléra au milieu du XIXe siècle mettra en évidence le problème de contamination de l’eau par le système d’égout. Il a été également découvert que la propagation de la maladie était moins importante là où l’eau avait été filtrée, et que l’eau contaminée n’avait pas un gout nécessairement différent de celui de l’eau saine. Cela a mené à l’utilisation du chlore pour la désinfection de l’eau, puis à la filtration rapide sur sable. La prévalence du choléra et de la typhoïde a diminué grandement avec l’implantation de standards nationaux au milieu du XXe siècle pour évaluer la proportion de coliformes dans l’eau potable, et les techniques ont rapidement avancé. Des produits comme l’hypochlorite de calcium (utilisé dans l’entretien des piscines) et le chlorure de fer (ajouté pour se débarrasser des particules en suspension) ont été introduits pour désinfecter l’eau. Actuellement à Montréal, les six usines de filtration commencent par enlever les débris de l’eau, puis elles effectuent la clarification, la filtration, la désinfection et la chloration avant que l’eau ne parvienne à nos robinets.


Comment bien filtrer l’eau?

Les différentes méthodes de filtration et de purification de l’eau sont combinées pour obtenir le meilleur résultat possible. L’OMS a publié en 2011 la quatrième édition des Directives pour la qualité de l’eau de boisson, détaillant les critères d’assainissement acceptable de l’eau potable. Ceux-ci portent sur la quantité de coliformes présents, d’agents infectieux et chimiques, ainsi que le taux de radioactivité.

Les méthodes disponibles dans les pays en développement ont toutes leurs avantages et inconvénients, et fonctionnent à divers degrés. Par exemple, la méthode d’ébullition est efficace pour tous les virus et les bactéries, mais ne change pas la turbidité de l’eau et n’empêche pas la recontamination de l’eau. De plus, le fait d’entretenir un feu de foyer constant à l’intérieur de l’habitation peut causer des blessures, et la fumée joue un rôle crucial dans le développement de maladies respiratoires. Une autre méthode utilisée couramment est celle qui consiste à simplement laisser l’eau au soleil plusieurs heures dans des bouteilles de plastique transparent pour l’exposer aux rayons UV. Cette façon de faire n’éradique pas tous les contaminants et peut varier en temps selon l’ennuagement, ce qui cause des variations dans son efficacité. Plusieurs organismes et compagnies tentent donc de créer des produits et des solutions pour pallier le manque de moyens efficaces de filtration de l’eau.

Quelques solutions

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Source: LifeStraw


Selon l’OMS, 80 % des personnes n’ayant pas accès à l’eau potable vivent dans des zones rurales. Les réponses doivent donc pouvoir s’appliquer hors de l’environnement urbain. Le produit le plus connu sur le marché actuellement est certainement LifeStraw, un dispositif de filtration permettant d’éradiquer plus de 99,9 % des bactéries, sans toutefois affecter les virus, les agents chimiques, les métaux lourds ou le sel. En Amérique du Nord, ce produit est surtout vendu comme accessoire pour les sports de plein air, permettant de boire dans n’importe quel cours d’eau. La campagne Follow the Liters redirige une portion des profits effectués sur la vente des produits LifeStraw à des programmes permettant à des écoles de pays défavorisés d’avoir accès à des dispositifs LifeStraw gratuitement. Cette campagne est critiquée par plusieurs, car l’entreprise utilise également les crédits compensatoires de carbone pour financer ses projets. Cette vidéo explique le processus, et met en lumière l’impact de LifeStraw au Kenya.

Pour des pays plus arides, cependant, même le fait de recevoir des milliers de filtres gratuitement ne serait pas une solution viable. C’est pourquoi Water.org, par exemple, propose des solutions différentes selon les milieux auprès desquels ils interviennent. Cet organisme a établi la structure des Water Credits, qui permettent à des investisseurs locaux comme des banques ou des commerces de faire des prêts pour l’installation de puits ou l’achat d’autres infrastructures ou matériaux nécessaires pour l’accès à l’eau. L’organisme Water.org intervient seulement auprès des communautés qui leur en font la demande, et parrainent les projets pour assurer l’autonomie et la pérennité de ceux-ci.


Cette forme d’aide humanitaire diffère de celle offerte par des organismes traditionnels, car elle mise sur l’engagement de la communauté et le désir des citoyens d’investir dans leur futur en créant un type de financement différent. D’autres organismes travaillent également en ce sens, comme The Water Project, qui offre des solutions variées allant de la construction d’un puits ou d’un barrage à la protection de cours d’eau au Kenya, en Ouganda et en Sierra Leone.


Pour en finir avec la pénurie d’eau

Il serait encourageant de pouvoir mettre en lumière une solution unique, économique et efficace tout en étant applicable à l’ensemble des communautés dépourvues d’eau potable. C’est malheureusement une utopie. La mosaïque de cultures, de milieux géographiques et de moyens fait en sorte que les solutions sont aussi variées que les situations. De plus, avec les changements climatiques, le nombre de communautés en situation de stress hydrique causé par les dérèglements climatiques est en forte augmentation, même dans certains pays dits « riches ». Les initiatives d’organismes non gouvernementaux comme ceux nommés plus haut sont nécessaires, mais des politiques définies encadrées par un plan d’action à l’échelle mondiale seront cruciales afin de générer un changement durable. L’OMS et l’UNESCO travaillent de concert pour établir et mettre en œuvre un premier plan, et leur rapport à ce sujet est d’ailleurs paru en juin 2015. Les recommandations précises restent à venir, mais nous savons d’ores et déjà que nous avons tous un rôle à jouer pour régler une fois pour toutes le problème de pénurie d’eau potable.


Pour en apprendre davantage :


Andrée-Anne Lefebvre

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