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Ce qu’il faut savoir sur les programmes « Buy one, give one »

Dernière mise à jour : 23 juin 2020

Comment consommer de façon responsable?



Quel produit choisir? Celui dont la compagnie promet de faire un don en argent à un centre de recherche, ou de donner une partie des profits à une organisation caritative? Celui qui provient d’une coopérative, ou encore qui est certifié équitable? Que faire des produits où lorsqu’on en achète un, l’entreprise promet de faire un don de cet item à une personne dans le besoin? C’est ce qu’on appelle couramment le modèle buy-one give-one (BOGO), ou encore « achetez-en un, donnez-en un », et ses impacts sont plus difficiles à évaluer que l’on pourrait le croire.


Le cas de TOMS

La marque de souliers Toms est certainement la plus connue à employer le système d’une

paire gratuite pour chaque paire vendue. Depuis sa fondation en 2006, la compagnie a donné plus de 93 millions de paires de souliers dans plus de 60 pays et vise le 100 millions en 2020. On peut penser qu’un tel programme n’est que positif, mais ce n’est pas le cas (Marquis C., Park A., 2014). 



Parmi les conséquences imprévisibles de ce type de programme, il y a l’impact sur le marché local. En effet, qui irait acheter des souliers lorsqu’une paire gratuite est offerte? De plus, les livraisons de gratuités étant à intervalles variables, le commerçant ou la commerçante ne peut prévoir ses ventes. Des économistes indiquent que des programmes « achetez-en un, donnez-en un »peuvent être catastrophiques pour le milieu économique dans certaines régions.


Des scientifiques se sont alors penchés sur la question, pour examiner l’impact du programme d’une paire gratuite pour chaque paire vendue de TOMS. Une étude randomisée par grappes à travers 979 ménages du Salvador n’a révélé aucune différence significative quant à l’achat de souliers entre les ménages ayant reçu des souliers gratuitement et ceux ayant reçu des coupons à utiliser dans les commerces locaux (Wydick et coll., 2014). Ainsi, selon l’article, un coupon ou une paire de souliers gratuite ont le même impact sur les achats, mais la différence entre le fait de ne rien recevoir et celui de recevoir une gratuité n’a pas été évaluée.


Et sur le plan social?

D’autres critiques des programmes « achetez-en un, donnez-en un » se situent sur le plan social. En effet, ce n’est pas en donnant des produits que la pauvreté systémique sera enrayée! Une telle problématique nécessite des changements importants misant sur l’auto-suffisance et l’accès aux ressources, entre autres. Un produit vendu à travers un système BOGO ne peut à lui seul faire une différence marquée dans la vie des personnes, même s’il convainc le consommateur ou la consommatrice du contraire. Janzer et Weinstein ont bien résumé la chose: “When you simply provide an item, there is a provider and a receiver, a have and a have not–the antithesis of equality.”


Pour certaines personnes, il est difficile de condamner l’entreprise TOMS et d’autres compagnies prenant part à des programmes « achetez-en un, donnez-en un », car elles contribuent à faire réfléchir sur l’impact social des entreprises. Dans un billet précédent, nous avons d’ailleurs souligné la valeur mixte qui est générée par les entreprises sociales, soit une valeur à la fois sociale et économique, et sur les stratégies par lesquelles la finance sociale peut appuyer le développement des innovations dont le 21ième siècle a besoin. Les modèles « achetez-en un, donnez-en un » ne sont pas idéaux, certes, mais ils permettent tout de même de rapprocher les concepts de profits et de mission sociale pour les consommateurs et les consommatrices (Janzer C., Weinstein L., 2015).



La compagnie offre également une gamme de produits célébrant la communauté LGBTQ+. Source: TOMS

À la lumière de ces informations, il peut être facile de critiquer la compagnie Toms pour son programme, mais celle-ci a été à l’écoute des critiques et a modifié ses interventions dans les dernières années. Actuellement, Toms mise sur l’établissement de centres d’optométrie dans des régions à indice de développement moins élevé en échange de leurs ventes de lunettes, et sur la redistribution d’eau potable dans les régions où leur café est produit, en plus de leur programme de dons de chaussures.


Ni totalement bon, ni totalement mauvais. Que faire?


En bref, pour éviter les effets néfastes des programmes « achetez-en un, donnez-en un » sur les marchés locaux, on peut vérifier s’il existe bien une alternative locale au produit offert gratuitement. Par exemple, l’entreprise Ruby Cup offre des coupes menstruelles ainsi que l’éducation sexuelle nécessaire à leur utilisation lors de chaque achat d’une de leurs coupes dans les pays à haut indice de développement. Sans cette initiative, les personnes ayant des menstruations dans les régions recevant des gratuités n’auraient pas accès au produit et il n’y a donc aucun marché local auquel nuire. Dans cette circonstance, le modèle « achetez-en un, donnez-en un » est tout indiqué! De plus, dans des cas d’urgence, les dons sont essentiels. Il faut toutefois se rappeler que le chemin vers l’éradication des inégalités sociales et de santé ne s’achète pas, et consommer de manière la plus responsable possible, en s’informant sur la nature du programme « achetez-en un, donnez-en un » avant d’acheter.



 

Références

Janzer C., Weinstein L. (2015) The Buy-One-Give-One Model Might Make You Feel Good, But It Doesn’t Make The World Better. Repéré à https://www.fastcomp201any.com/3053596/the-buy-one-give-one-model-might-make-you-feel-good-but-it-doesnt-make-the-world-better par Cinnamon Janzer and Lauren Weinstein


Marquis C., Park A. (2014) Inside the Buy-One Give-One Model, Stanford Social Innovation Review, Winter 2014, 28-33.

Knowledge@Wharton. (2015) The One-for-one Business Model: Avoiding Unintended Consequences. Repéré à https://knowledge.wharton.upenn.edu/article/one-one-business-model-social-impact-avoiding-unintended-consequences/


Wydick B., Katz E. & Janet B. (2014) Do in-kind transfers damage local markets? The case of TOMS shoe donations in El Salvador, Journal of Development Effectiveness, 6:3, 249-267, DOI: 10.1080/19439342.2014.919012



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