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Santé mentale au masculin : des initiatives pour combler les lacunes


Santé mentale au masculin : des initiatives pour combler les lacunes


Un besoin controversé

En 2004, Gilles Rondeau, professeur à l’école de service social de l’Université de Montréal, tirait la sonnette d’alarme sur ces réalités trop longtemps ignorées dans son rapport ministériel, Les hommes : s’ouvrir à leurs réalités et répondre à leurs besoins. En raison de la controverse suscitée par le document, plusieurs groupes de femmes y décelant un parti-pris idéologique (Coalition de groupes de femmes, 2005), ses recommandations sont restées lettres mortes. Mais des progrès ont néanmoins été réalisés et la société semble s’ouvrir de plus en plus aux détresses masculines. Pour preuve, la publication en novembre dernier d’un nouveau rapport ministériel dirigé par Gilles Tremblay, professeur en travail social et directeur de l’équipe de recherche Masculinités et Société à l’Université Laval (Tremblay, 2012). Le document, préconisant la création et le renforcement de ressources en santé mentale pour les hommes, a reçu cette fois-ci un accueil plus positif.

Une demande grandissante

« Pour la première fois en trente ans, les hommes sont aussi nombreux que les femmes à nous appeler », constate Valérie Bonneau, coordonnatrice de la ligne d’urgence du Centre pour les victimes d’agressions sexuelles de Montréal (C.V.A.S.M.). Malgré leurs réticences, les hommes sont de plus en plus nombreux à solliciter les ressources disponibles, y compris celles qui ne leur étaient traditionnellement pas réservées. Une tendance observée dans plusieurs milieux d’intervention : « la moitié des appels auprès de centres de prévention du suicide proviennent désormais d’hommes, contre seulement 20 % il y a quinze ans », indique Gilles Tremblay.

Des défis toujours présents


Certains préjugés ont la vie dure

Moins habitués à recevoir des usagers masculins et peu familiarisés avec leurs spécificités, certains professionnels en santé mentale éprouvent des difficultés à prendre en charge adéquatement le mal-être des hommes. Par exemple, la colère des usagers masculins est plus souvent réprimée qu’entendue pour ce qu’elle est : le symptôme d’une souffrance. Gilles Tremblay observe que la dépression est souvent sous-estimée chez les hommes, ces derniers manifestant rarement les critères classiques de diagnostic. « Un gars pleurera moins souvent sa dépression et l’exprimera davantage par de l’agressivité. Ils ont tendance à se jeter à corps perdu dans le travail ou le sport plutôt que de délaisser leurs activités et à surinvestir la sexualité plutôt que de présenter une baisse de libido ».

Rejoindre les hommes de façon préventive constitue un autre enjeu majeur de l’intervention. « Ils ont tendance à attendre d’être en crise suicidaire aiguë avant de consulter, même si cela est un peu moins vrai avec les jeunes générations », constate Gilles Tremblay.

Des initiatives prometteuses

Cependant, plusieurs initiatives en lien avec l’intervention, la recherche ou le financement se développent à travers le Québec et le Canada.

Des organismes comme le C.V.A.S.M. offrent aux employées et bénévoles de leur équipe – exclusivement féminine — de la formation continue destinée à mieux répondre à la recrudescence d’appels masculins sur leur ligne d’urgence.


  • Un projet-pilote mené en Estrie organise, au sein des entreprises, des réunions de sensibilisation à la prévention du suicide et de la détresse psychologique.

  • Le groupe de recherche québécois Masculinités et Société, collabore avec les provinces de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick à un projet de recherche-action regroupant les forces francophones autour de la prévention en santé mentale et de la dépression chez les hommes.

  • Une enquête sur la perception des hommes de leurs propres besoins psychosociaux et de santé dirigée par Gilles Tremblay est en cours depuis l’automne 2012.

  • Le gouvernement du Québec a alloué en novembre 2012 un budget de 1 160 000 dollars aux organismes pour hommes.

  • Le gouvernement canadien doit annoncer la mise sur pied de quatre équipes consacrées à la santé des hommes au Canada, et de deux chaires de recherche.

  • Des partenariats inattendus permettent d’allier santé physique et santé psychologique : à la suite du succès de l’édition 2012 de Movember Canada (campagne de promotion pour le dépistage et le soin du cancer de la prostate), les responsables du projet ont décidé de verser 40 % des dons recueillis à la recherche pour la santé mentale des hommes.


Au total, douze millions de dollars seront distribués à l’échelle du Canada.

Enfin, évoquant les différences de contenu entre la presse féminine et les magazines destinés aux hommes, M. Tremblay constate que les médias ont aussi un rôle important à jouer dans la conscientisation et la mobilisation du public autour des enjeux de santé mentale au masculin. « Les hommes savent parfaitement comment apprêter une mouche pour prendre une truite, mais pour prendre soin d’eux-mêmes, ils sont beaucoup moins bons. Il faut les sensibiliser davantage. »

Auteure :Xuân Ducandas, stagiaire Hinnovic.org

RÉFÉRENCES



Rondeau, G. (2004). Les hommes : s’ouvrir à leurs réalités et répondre à leurs besoins. Rapport du comité de travail en matière de prévention et d’aide aux hommes. Ministère de la Santé et des Services sociaux.


Tremblay, G. (2012). Rapport du comité d’experts sur les homicides intrafamiliaux. Remis au ministre de la Santé et des Services sociaux et ministre Responsable des Aînés..


Tremblay, G. (2006). Qu’en est-il de la santé des hommes au Québec? Présentation à l’Université Laval.

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