top of page

Rembourser ou non les médicaments pour le cancer : où se cache «l’humain» au juste?

  • hinnovic
  • 9 janv. 2012
  • 3 min de lecture

Rembourser ou non les médicaments pour le cancer : où se cache «l’humain» au juste?


Le ministre a remis en cause la recommandation de l’INESSS arguant que les arguments économiques l’auraient emporté sur les arguments thérapeutiques et sur «l’humain». Bien qu’il soit légal pour le ministre d’aller à l’encontre de la recommandation de l’INESSS, on peut se demander s’il est légitime de le faire.

Cette réaction du ministre Bolduc soulève à mon avis au moins deux questions : celle du rôle et du point de vue d’un organisme comme l’INESSS et celle des arguments utilisés par les parties.

La perspective de l’INESSS en tant qu’organisme d’évaluation


Évaluer avec une vue large

Désavouer publiquement les recommandations d’un organisme de ce type, pour un ministre, exige peut-être un peu plus de précautions qu’il n’apparaît dans le cas présent. Et d’autant plus qu’on peut se demander pourquoi le ministre a limité son intervention aux médicaments pour le cancer – médicaments qui ne guérissent pas de la maladie, s’il faut le préciser – qui ne sont pas les seuls à avoir été refusés.

La rhétorique du «purement économique» et de l’humain

«(…) dans un dossier comme celui-là, la question de l’économie, un moment donné, doit être mise de côté pour l’humain», a dit le ministre Bolduc devant l’Assemblée nationale (Daoust-Boisvert 2011, Lessard 2011). La Coalition Priorité Cancer a vilipendé l’INESSS pour avoir fait prévaloir un argument «purement économique» au détriment de la valeur thérapeutique des médicaments. Le ministre a renchéri apparemment sur la coalition en arguant que l’INESSS aurait dû faire prévaloir l’«humain» dans sa décision.


Des ressources limitées à distribuer

La valeur thérapeutique, de son côté, n’existe pas non plus en soi, en dehors de tout contexte, comme le montrent bien les évaluations des médicaments produites par l’INESSS (2011). Après un processus d’évaluation qui a inclus la consultation du Comité de l’évolution des pratiques en oncologie (CEPO) – un groupe d’experts -, l’INESSS a reconnu une valeur thérapeutique aux médicaments refusés. Cela ne signifie pourtant nullement qu’ils guérissent du cancer, contrairement à ce que laisse entendre une oncologue dans le communiqué de la Coalition Priorité Cancer :

« Nous vivons le cancer au quotidien. Nous avons à expliquer à nos patients comment et avec quels moyens nous allons les aider à gagner contre le cancer dont ils souffrent, » ajoute la docteure Marie Florescu, hémato-oncologue à l’Hôpital Notre-Dame « Je ne peux pas comprendre que l’aide que je vais leur donner soit différente parce qu’ils résident au Québec; cela est profondément injuste.»

Selon les données rapportées par l’INESSS dans son Avis au ministre, pour un des médicaments refusés (Afinitor), la «survie sans progression» est de 4,9 mois avec le médicament et de 1,9 mois avec le placebo (p.104). Pour un autre (Alimta), la «survie sans progression» est de 4,3 mois avec le médicament et de 2,6 mois pour le placebo (p.112). Bien sûr, 3 mois ce n’est pas rien, mais il n’y a pas de guérison à l’horizon.


Considérer plusieurs critères en plus de la valeur thérapeutique

Des médicaments sont donc refusés non pas parce qu’ils sont totalement inefficaces, mais parce que leur degré d’efficacité par rapport à la maladie à soigner est tempéré à la fois par diverses limites de leur valeur thérapeutique (survie limitée, effets indésirables lourds pour le patient) et parce que leur coût dépasse ce qui est acceptable dans le contexte du système de santé dont les ressources sont limitées (pour une explication de l’évaluation des coûts, voir le blog de Valérie Borde).

Quant à préserver le côté «humain» dans les décisions, comme le voudrait le ministre, est-il nécessaire de rappeler qu’outre le fait que peu de choses soient plus humaines que l’économie (!), la marge de profit des compagnies pharmaceutiques passe généralement bien avant l’humain. Si l’accès aux médicaments devait relever de la seule compassion pour tous les malades souffrant de graves maladies, il faudrait orienter les critiques davantage du côté des pharmaceutiques que des organismes comme l’INESSS.

Auteure :Geneviève Daudelin, Ph.D.

RÉFÉRENCES


Coalition Priorité Cancer, L’accès aux médicaments en cancer au Québec Quel est le prix de la vie au Québec?, Communiqué de presse, 4 octobre 2011


Daoust-Boisvert, Amélie. Médicaments contre le cancer – Bolduc pourrait revoir la décision de l’INESSS. Le Devoir, 6 octobre 2011.


Lessard, Denis. La liste de médicaments contre le cancer revue. La Presse, 19 octobre 2011.


Comments


  • Facebook
  • Twitter
bottom of page