Qu’est-ce qu’un incubateur d’entreprises ?
Il n’existe bien sûr pas une définition universelle au sein de la littérature scientifique. Dans une analyse bibliométrique qui couvre 445 études traitant des incubateurs (sur la période 1985 – 2015), Albort-Morant et Ribeiro-Soriano (2015) mentionnent la définition de la revue Entrepreneur’s Small Business Encyclopedia qui est selon eux la plus pertinente. Un incubateur d’entreprises est ainsi défini comme étant « une organisation conçue pour accélérer la croissance et le succès d’entreprises par l’intermédiaire d’un réseau de ressources et de services dédiés aux entreprises. Cela peut impliquer des espaces de travail, du capital, du mentorat ou encore des services de réseautage ». Sur la question du taux de succès des entreprises qui passent par un processus d’incubation, les deux auteurs notent qu’il n’existe pas non plus de consensus sur la définition du succès d’une entreprise incubée, tant sur le plan qualitatif que du point de vue de l’efficacité du processus d’incubation. De la même façon, les facteurs clés qui pourraient être associés au succès d’une entreprise incubée ne font pas consensus (Dee et al., 2011; Lumpkin & Ireland, 1988).
Dans une entrevue pour ce dossier, Tzameret Rubin note que la définition d’incubateur d’entreprises varie « parce que cela permet de l’adapter aux besoins locaux, c’est-à-dire à la spécificité d’une région ou d’un pays ». Cependant, elle précise « qu’il est convenu que le rôle d’un incubateur d’entreprises est d’être un outil catalyseur du développement économique en fournissant aux entrepreneurs un éventail de services et de ressources pour les affaires ».
Qu’est-ce qu’un accélérateur d’entreprises ?
Ayant pris naissance en Europe, ce « nouveau modèle d’incubation » se différencie d’un incubateur surtout par une place plus grande faite au mentorat et aussi par le temps beaucoup plus court du processus de formation et de soutien. Également, les accélérateurs (ou « seed accelerators » en anglais) sont beaucoup moins exclusifs puisqu’ils sont en théorie ouverts à tout le monde. Il semble y avoir un consensus dans la littérature scientifique quant à la définition d’un accélérateur d’entreprises. Ainsi, Pauwels et al. (2015) reprennent la définition de plusieurs auteurs, dont Cohen et Hochberg (2014) ainsi que Miller et Bound (2011). Les accélérateurs sont décrits comme étant des « organisations dont l’objectif est d’accélérer la création d’entreprises prospères en fournissant des services spécifiques d’incubation et en se concentrant sur la formation et le mentorat durant un programme intensif et limité dans le temps ». Xavier-Henri Hervé, directeur de District 3, voit de son côté l’accélérateur d’entreprises comme un mélange entre le modèle classique d’incubation et un organisme dans lequel on met plus rapidement dans le bain les jeunes entrepreneurs. Les accélérateurs d’entreprises sont nombreux dans la métropole québécoise. On peut citer InnoCité MTL, la branche montréalaise du Founder Institute, Esplanade qui se définit comme un accélérateur d’innovations sociales, ou encore TandemLaunch, FounderFuel et Centech lié à l’École de technologie supérieure.
État des lieux de la recherche sur le domaine
La recherche sur les accélérateurs et incubateurs d’entreprises est encore jeune, même si elle tend à s’étoffer depuis quelques années. Dans l’analyse bibliométrique citée plus haut, Albort-Morant et Ribeiro-Soriano se sont intéressés à plusieurs indicateurs. On peut ainsi voir que les États-Unis, la Chine et le Royaume-Uni forment le trio de tête des pays qui publient le plus sur les incubateurs d’entreprises. Le Canada se classe en 5e position, la Belgique et la France respectivement en 10e et 12e position. Le nombre de publications scientifiques relatives aux incubateurs atteint 450, dont la grande majorité a été publiée durant ces dernières années. La croissance du nombre de publications dans ce domaine est modérée, ce qui selon les auteurs, laisse penser que la recherche sur les incubateurs d’entreprises est peu représentée dans les domaines des affaires, de la gestion et de l’économie. Ils expliquent cet état de fait par un manque de ressources fiables et une fragmentation de la connaissance sur les incubateurs. De plus, leur revue de littérature et les conclusions d’autres auteurs (Ribeiro & Castrogiovanni, 2012; Ribeiro & Roig, 2009) les amènent à préciser que « la recherche sur les incubateurs d’entreprises est trop large, hétérogène, contradictoire et très peu concluante ».
Une récente étude est venue compléter la littérature scientifique sur les accélérateurs. Pauwels et al. (2015) ont en effet publié une étude inductive dans laquelle ils ont analysé 13 accélérateurs d’entreprises en Europe et les ont classifiés en fonction d’une grille de classification qui a fait ressortir les paramètres clés d’un accélérateur. Ils ont ainsi identifié 5 éléments clés constitutifs d’un accélérateur et ont créé 3 modèles. Leur recherche contribue à une meilleure connaissance des différents modèles d’accélérateurs par l’intermédiaire d’un cadre théorique nommé « design lens ».
Tzameret Rubin et ses collègues Tor Helge Aas et Andrew Stead se sont intéressés aux flux de connaissances présents dans les processus d’incubation. Leur étude de cas basée sur deux corpus d’incubateurs en Israël et en Australie suggère que les universités jouent de moins en moins un rôle de générateurs d’idées pour les incubateurs, mais qu’elles participent plus au processus de R&D en fournissant des équipements et des locaux. Il en est d’ailleurs de même pour les hôpitaux selon les constats des auteurs. L’origine et la force des flux de connaissance dans le processus d’incubation sont donc des paramètres importants, tant pour les incubés que pour les incubateurs. Mieux comprendre les différents types de flux de connaissance dans d’autres modèles d’incubation permettrait justement de faire avancer la connaissance sur les incubateurs d’entreprises.
De l’importance de mentorer et de former de jeunes entrepreneurs
Avec l’augmentation du nombre d’accélérateurs d’entreprises, de nouveaux modèles d’incubation émergent ainsi que des politiques visant à favoriser l’éclosion de jeunes entreprises. Sur ce point, l’Ontario a mis en place en 2007, le Business Acceleration Program (BAP) financé par le Ministère de la Recherche, de l’Innovation et des Sciences. L’accélérateur et incubateur d’entreprises MaRS en est le coordonnateur. Nous avons demandé à Amie Sergas, directrice du BAP, de nous expliquer les tenants et aboutissants de ce programme qui fait le lien avec toutes les communautés de l’Ontario. Le Business Acceleration Program Network est d’ailleurs décrit comme étant un « accélérateur virtuel », du fait des agences locales présentes à de nombreux endroits en Ontario.
Nous l’avons dit plus haut, le mentorat est une des pierres angulaires du processus d’accélération de startups. C’est ce que souligne Alain Readman-Valiquette dans notre entrevue téléphonique. Étant impliqué au sein de l’organisme District 3, il mentionne également les liens cruciaux qu’entretiennent les jeunes entrepreneurs dans un accélérateur d’entreprises, favorisant ainsi un esprit communautaire. Il précise aussi la nécessité de combattre la peur de partager ses idées afin de profiter des conseils et de l’expérience d’autres incubés ou de contacts qui orbitent autour d’un accélérateur d’entreprises.
Les universités étant des réservoirs d’idées et des générateurs de connaissances, il est normal que de plus en plus de chercheures et de chercheurs se lancent dans la création de startups. C’est ce qu’a fait Margaret Magdesian, titulaire d’un doctorat en biochimie et anciennement professeure agrégée à l’Institut de neurologie de Montréal (The Neuro). Margaret a créé la startup Ananda Devices en 2015 et est toujours dans un processus d’accélération. Dans une entrevue téléphonique, elle nous fait part de ses impressions et de ses conseils en tant que jeune entrepreneure issue du milieu de la recherche scientifique.
Jérémy Bouchez
RÉFÉRENCES
Albort-Morant, G., & Ribeiro-Soriano, D. (2016). A bibliometric analysis of international impact of business incubators. Journal of Business Research, 69(5), 1775–1779. http://doi.org/10.1016/j.jbusres.2015.10.054
Cohen, S., & Hochberg, Y. V. (2014). Accelerating Startups: The Seed Accelerator Phenomenon. SSRN Electronic Journal. http://doi.org/10.2139/ssrn.2418000
Lumpkin, J.R. & Ireland, R.D. (1988). Screening practices of new business incubators: The evaluation of critical success factors. American Journal of Small Business, 12 (4) (1988), pp. 59–81.
Miller, P., & Bound, K. (2011). The startup factories the rise of accelerator programmes to support new technology ventures. London: National Endowment for Science, Technology and the Arts. Récupéré de http://www.nesta.org.uk/library/documents/StartupFactoriesv18.pdf
N.J. Dee, F. Livesey, D. Gill, & T. Minshall. (2011). Incubation for growth: A review of the impact of business incubation on new ventures with high growth potential. Nesta, London. Disponible à http://nesta.org.uk/library/documents/IncubationforGrowthv11.pdf
Pauwels, C., Clarysse, B., Wright, M., & Van Hove, J. (2015). Understanding a new generation incubation model: The accelerator. Technovation. http://doi.org/10.1016/j.technovation.2015.09.003
Rubin, T. H., Aas, T. H., & Stead, A. (2015). Knowledge flow in Technological Business Incubators: Evidence from Australia and Israel. Technovation, 41-42, 11–24. http://doi.org/10.1016/j.technovation.2015.03.002
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