À la base, la méthode d’Aravind consiste à rejoindre les gens dans leur milieu et à leur offrir les soins nécessaires ou le soutien pour obtenir ces soins sur le champ. Par exemple, des «camps» de dépistage sont organisés par des communautés locales qui trouvent un lieu et les bénévoles pour les tenir. Aravind vient, avec toute une équipe, offrir ses services sur place et… quasi «à la chaîne». Des médecins et techniciens remplissent des tâches précises à tour de rôle : d’abord un examen médical pour décider des tests à passer, ensuite les tests effectués par des techniciens, puis le diagnostic posé par un médecin et la prescription d’un traitement ou de lunettes. Celles-ci sont préparées en un temps réduit et le patient peut quitter les lieux, ses lunettes sur le nez. Les personnes ayant besoin d’une chirurgie, pour des cataractes par exemple, sont transportées en autobus vers des hôpitaux où des ophtalmologistes opèrent de manière continue. Aravind a développé une pratique pour accroître le volume des chirurgies pour la cataracte connue sous le nom de «assembly line» – le chirurgien opère pendant que le patient suivant est préparé tout juste à côté… Après un court séjour de suivi et convalescence, les gens sont ramenés, en groupe, au lieu de départ. Lors des «camps», jusqu’à 1 500 personnes sont examinées et 300 transportées pour des chirurgies.
Aravind maintient très bas les frais de «production» de ses services; les patients payent en fonction de leurs moyens. Ainsi, les plus nantis financent une partie des soins requis par ceux qui n’ont pas de revenus suffisants (70% des patients ne payent pas du tout ou une portion très réduite des frais). Elle forme elle-même les médecins, professionnels et techniciens qu’elle embauche et mise sur une main d’œuvre locale pour opérer ses centres de soins de première ligne. Elle forme ainsi 300 jeunes filles chaque année pour accomplir les tâches techniques et administratives requises. Globalement, la rémunération de l’ensemble de son personnel est très inférieure aux standards occidentaux. Par ailleurs, une forte utilisation de la télémédecine permet à tous les patients fréquentant les centres locaux de consulter un médecin sans besoin de multiplier les ressources médicales sur le territoire. Une telle pratique a impliqué la mise en place d’un dossier patient informatisé, l’achat de caméras rétiniennes numériques, la transmission d’images par satellite, etc. Aravind se vante d’offrir des traitements avancés à ses patients. Enfin, l’organisation a mis en place une entreprise sans but lucratif (Aurolab) qui fabrique ses lentilles intraoculaires pour les cataractes, notamment. Le coût des chirurgies est ainsi réduit substantiellement. Aurolab est soutenue par diverses fondations internationales. Elle vend d’ailleurs à un prix plus que concurrentiel ses lentilles dans de nombreux pays.
Vu du Canada, ce type d’organisation de services de première ligne semble relever entre autres d’un contexte qui favorise, en un sens, les réussites spectaculaires. En Inde, les chiffres sont toujours impressionnants : les personnes atteintes de problèmes oculaires ou de cécité se comptent par millions, les cas résolus par centaine de milliers annuellement, les chirurgies quotidiennes par milliers, et ainsi de suite. Mais au-delà de l’organisation des services elle-même, ce qui frappe c’est l’application du principe consistant à centrer les services sur les patients. Le problème à résoudre était en tout premier lieu d’atteindre les gens afin de les soigner. Cet objectif ne pouvait être atteint sans une approche prenant en considération le contexte bien concret et les contraintes rencontrées par les personnes, notamment leur éloignement des services et, pour beaucoup, l’incapacité de payer le déplacement et les services. Et une fois ces personnes jointes, il fallait faire face à leur nombre avec une qualité constante. D’où la procédure suivie, constante, réglée… à la façon dont opère McDonald. Procédure qui inclut même de faire choisir aux patients leur monture de lunettes… Aux fraises ou aux bleuets votre chausson?!
La «chaîne de montage» pour les chirurgies de la cataracte à la manière d’Aravind serait-elle pensable au Canada?
Est-ce que le modèle Aravind semble trop beau pour être vrai?
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Site Internet d’Aravind: http://aravind.org
Auteure : Geneviève Daudelin, Ph.D.
RÉFÉRENCES
Natchiar G, Thulasiraj RD, Meenakshi Sundaram R 2008. Cataract surgery at Aravind Eye Hospitals: 1998-2008. Community Eye Health, 21(67): 40-42.
Thulasiraj RD. How low-cost eye care can be world-class, Conférence présentée en novembre 2009.
Lawani r, Pommier S, Roux L, Chazalon E, Meyer F 2007. Magnitude et stratégies de prise en charge de la cataracte dans le monde. Médecine Tropicale, 67(6) : 644-650.
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