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Des anges pour soutenir l’innovation


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Les anges investisseurs sont des individus dont le niveau de richesse est élevé, qui investissent leurs propres fonds, offrent leur temps et leur expertise à des entreprises fermées avec lesquelles ils n’ont pas de liens préalables familiaux, d’affaires ou d’amitié. Ils représentent la source la plus importante de capital de risque, notamment lors des phases précoces de financement, que les sociétés de capital de risque financent peu. On considère généralement que les anges investissent des montants relativement limités et agissent seuls ou en réseaux faiblement structurés. Traditionnellement, les anges individuels s’intéressaient à des entreprises aux premiers stades de développement dans un vaste ensemble de secteurs d’activité. Peu visibles, ils faisaient généralement face à une relative rareté des projets valables.


Le marché des anges

Depuis deux décennies environ, ce secteur connaît un bouleversement complet. Les anges agissent de plus en plus en groupes structurés. Ils financent des entreprises qui ont atteint les étapes de la commercialisation dans une proportion de l’ordre de 75% (Mason 2011). Ils s’intéressent à un sous-ensemble de secteurs. Les sciences de la vie et les technologies de l’information et des communications reçoivent l’essentiel de leurs investissements, au Canada comme aux États-Unis. Le Canada se distingue par une plus forte proportion d’investissements dédiés au premier de ces deux secteurs. Les critères de sélection et modes de fonctionnement des groupes diffèrent de ceux des anges individuels, notamment parce que les anges en groupe disposent de ressources plus importantes et sont assez nombreux pour composer des sous-ensembles spécialisés dans des secteurs donnés d’intervention. Les groupes sont souvent associés à des fonds d’appariement. Mis en place par le gouvernement, ces fonds complètent les investissements des anges par des mises de fonds de même importance et augmentent donc les montants disponibles pour les projets.[1] L’investissement médian rapporté par les groupes est de l’ordre de 1,5 million de dollars au Canada (NACO 2014). Les ressources des groupes leur permettent d’envisager le financement de rondes subséquentes jusqu’à la « sortie », soit le moment où les anges revendent leur participation. Cette sortie se fait souvent par la vente en bloc des actions détenues par les anges à une entreprise établie. Les anges qui agissent en groupe comptent donc relativement peu sur les sociétés de capital de risque pour financer les phases ultérieures de financement.


Leur processus décisionnel : un parcours ardu

Les groupes reçoivent de très nombreuses demandes, en partie parce que la procédure de soumission est facilitée par l’utilisation de sites web. Ils n’en financent toutefois qu’une très faible proportion. Nous avons étudié le processus décisionnel d’un groupe d’anges important et détecté les raisons des rejets à chacune des étapes (Carpentier et Suret 2015).

Seuls 13% des entrepreneurs qui sollicitent le groupe seront invités à présenter leur projet. La majorité des demandes sont rejetées lors du filtre préliminaire par le professionnel engagé par le groupe, parce qu’elles ne correspondent tout simplement pas aux paramètres d’intervention des anges. Ceux-ci s’intéressent à des projets innovants, dans un nombre limité de secteurs et dans leur environnement immédiat. Ils rejettent immédiatement les projets de type style de vie (spa, garderie…), qui ne permettent pas d’envisager de sortie avec un rendement élevé. Ils vont également rejeter à ce stade les idées ou projets très peu développés. Les demandes qui survivent au pré filtre sont ensuite analysées pour déterminer celles qui seront finalement présentées aux anges lors de leurs rencontres mensuelles. À ce stade, les projets sont essentiellement rejetés pour des raisons liées à la faiblesse du caractère innovant du produit ou du service, à l’absence d’un avantage comparatif ou encore à un modèle d’affaires mal défini. Les projets sélectionnés font ensuite l’objet d’une présentation courte (10 minutes). Si au moins quatre anges sont intéressés, le projet ira de l’avant. 82% des projets survivent à cette étape, et abordent la phase de l’analyse détaillée, qui commence par une présentation longue (une heure). Lors de ces étapes, les projets sont rejetés pour des raisons liées au marché (marché inexistant, trop étroit, trop concurrentiel, sans potentiel de revenus …) et à la stratégie d’atteinte de ce marché. La phase de négociation commence ensuite pour les projets survivants, qui représentent 4% des projets initialement soumis. Ces négociations échouent dans 42% des cas, souvent parce que les parties ne s’entendent pas sur la valeur de l’entreprise ou parce que l’entrepreneur a trouvé d’autres sources de financement.


Obtenir un financement

Obtenir un financement d’un groupe d’anges demande donc un projet solide, bien développé notamment au niveau du marché et de la stratégie. L’entrepreneur doit avoir défini clairement son avantage comparatif, ses marchés cibles et les moyens réalistes pour les atteindre. Traditionnellement, on considérait que les anges finançaient des entrepreneurs avec lesquels ils pouvaient établir une relation de confiance. Si cela reste probablement vrai, les dimensions du produit, de la stratégie et du modèle d’affaires sont devenues prédominantes dans le processus de sélection. Nous observons que les seuls entrepreneurs financés sont ceux qui ont une expérience solide du secteur. Comme le manque d’expérience est rarement évoqué directement pour rejeter les projets, nous en déduisons que seuls les entrepreneurs qui connaissent parfaitement le domaine sont en mesure de développer des stratégies et analyses de marché qui vont convaincre les anges de les financer.

[1] Voir par exemple le fonds Anges Québec Capital : http://angesquebeccapital.com/

Auteur(e)s :Cécile Carpentier, D.Sc.G., CFA, Expert-comptable Professeure titulaire, Faculté des sciences de l’administration, Université Laval Fellow CIRANO Jean-Marc Suret, Ph.D., Professeur titulaire, Faculté des sciences de l’administration, Université Laval Fellow CIRANO

RÉFÉRENCES



Carpentier, C. and J.-M. Suret (2015). Angel Group Members’ Decision Process and Rejection Criteria: A Longitudinal Analysis. Journal of Business Venturing Forthcoming, doi:10.1016/j.jbusvent.2015.04.002


Mason, C. (2011). Investment Activity by Canadian Angel Groups. The National Angel Capital Organization


NACO (2014). Report on Angel Investing Activity in Canada 2013: Accelerating the Asset Class Available at: http://nacocanada.com/wp-content/uploads/2014/05/2013_Report-on-Angel-Investing_Report_Web.pdf

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