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Audrey Tang : hacker la réponse à la pandémie

Dernière mise à jour : 6 mai 2021

Invitée au Colloque Jean-Yves Rivard qui avait pour thème « Innover de manière responsable face à la Covid-19 », Audrey Tang, ministre du Numérique à Taïwan, a exposé comment l'innovation numérique peut combattre la pandémie et renforcer la démocratie.


À Taïwan, la pandémie a fait 11 morts. Depuis une minute, une heure, une semaine ? Vous n’y êtes pas du tout. Depuis le début de la pandémie. Et cela sans un seul jour de confinement. On avait pourtant estimé que Taïwan serait le deuxième pays le plus touché par la COVID-19, en raison de sa proximité avec la Chine. Peut-on parler de miracle taïwanais ? Les explications d'Audrey Tang, ministre du Numérique à Taïwan.

Photo : audreyt.org

Le 21 janvier 2020, Taïwan annonce son premier cas confirmé de COVID-19 : une femme qui revient à Taïwan après avoir enseigné à Wuhan.


Une réponse nationale coordonnée est tout de suite mise en place. Et pour cause. L’île de Taïwan située à seulement 130 km de la Chine, sa population est dense, et l’expérience du SRAS en 2003 a créé un véritable traumatisme collectif. Taïwan attendait le prochain virus de pied ferme.


Toujours en janvier, Taïwan active le CCCE, ou Centre de commandement central des épidémies, créé dans la foulée de l’épidémie de SRAS.


Février 2020. L’Organisation mondiale de la Santé n’a pas encore déclaré l’état de pandémie. Pourtant, à Taïwan, tous les voyageurs sont dépistés aux frontières (au Canada, il a fallu un an pour qu’on établisse un contrôle aux frontières). Les personnes identifiées comme étant à haut risque sont mises en quarantaine à domicile et suivies électroniquement grâce à leur téléphone portable. Les hôpitaux ont accès en temps réel aux données de voyage des patients.


Une ombre au tableau : l’approvisionnement en masques connaît des ratés.


Howard Wu, un ingénieur de Goodideas-Studio a alors la bonne idée de créer un site web

qui intègre une carte des masques disponibles. Au début, la « carte des masques » (Mask Map) s’appuie sur les informations rapportées par le grand public. Les commerces qui stockent des masques apparaissent en vert, et ceux en rupture de stock, en rouge.

Photo : g0v.news

Avec le concours de la firme d’ingénierie, on utilise les informations de la NHI qui gère une base de données de tous les produits que les pharmacies ont en stock. Cette base de données est mise à jour en temps réel. Bingo.


« Pendant que les gens faisaient la queue […], ceux dans la file pouvaient voir en temps réel sur leur portable, mises à jour toutes les 30 secondes, les données rapportées par la pharmacie à l’Administration nationale d’assurance maladie. Cela a calmé tout le monde alors que nous augmentions la production à environ 20 millions de masques par jour. » — La ministre Tang

Le mouvement g0v

La carte des masques, conçue en code source ouvert, est développée avec les citoyens-hackers du mouvement g0v (prononcer gov-zéro), qui utilisent la technologie pour faire évoluer la démocratie.


La ministre Tang : « Simplement en changeant le "o" par un zéro sur la barre de votre navigateur, vous entrez dans un site "parallèle" du gouvernement qui fonctionne peut-être mieux, où il y a des alternatives viables. Dans le cadre de l’initiative, g0v, il y a à l’heure actuelle environ 9000 citoyens-hackers qui participent à ce que nous appelons faire "bifurquer" le gouvernement. Dans la culture du code source ouvert, "bifurquer" signifie prendre quelque chose qui est déjà là, pour l’emmener dans une direction différente. »


Une démocratie numérique

Le Québec peut-il s'inspirer de la stratégie numérique de Taïwan? Réponse d'Aude Motulsky, professeure adjointe à l’École de santé publique de l’Université de Montréal et intervenante au Colloque.

« Taïwan est un exemple notable de  la démocratie par les données qui transforme vraiment les rôles et les interactions entre les décideurs, les experts, les scientifiques, et les citoyens. Les citoyens acceptent une surveillance par le numérique […], mais l’État accepte aussi une transparence, une ouverture de ses données et de ses codes, et intègre les critiques qui vont nécessairement émerger. »

La population a répondu à cette confiance en créant une multitude d’applications qui vont bien au-delà de l’expérience initiale d’Howard Wu, en ajoutant par exemple des fonctions d’inclusion à la carte des masques telles que l’assistance audio pour les malvoyants.


Le miracle taïwanais serait donc numérique ?

Pas tout à fait selon la ministre Tang : « Je pense que le numérique est utile lorsqu’il sert d’outil d’assistance. C’est le cas de toutes les technologies. Je pense que le savon, les désinfectants, les masques, sont en fait les technologies les plus utiles. Mais le numérique peut aider les gens à comprendre ces technologies chimiques et physiques plus importantes et à y accéder. »

 

Combattre les rumeurs par l'humour

Dans cet extrait, la ministre Audrey Tang explique la stratégie adoptée par le gouvernement pour faire taire les fausses rumeurs qui circulent autour de la crise sanitaire.


L'entretien complet avec Audrey Tang est disponible en ligne.


 

Catherine Hébert

Rédactrice scientifique

catherine.hebert.6@umontreal.ca


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